Ca sent la soupe au poireau : après son drôle de film-mutant (le western-Haribo Blueberry), Kounen adapte le roman 99 francs de Beigbeder. Quand un champignon de la taille de Kounen rencontre un romancier aussi raté que lui, difficile de rêver bien longtemps. Le fake, le bidon, c’est le sujet : un petit roquet de la pub, las de son environnement bobo acidulé, se révolte le temps d’un ultime bad trip. Attention les dégâts : la rébellion du dandy moderne livré aux affres d’un monde saturé d’images, la rédemption du petit bourgeois bandeur englouti dans la virtualité de son existence offrent à Dujardin un rôle dans lequel n’excelle que rarement son sens du tempo et de la convulsion burlesque. Lui manque à l’évidence ce côté dandy que fantasme le film, ballade dans les tréfonds du contemporain et de la branchitude qui s’amorce péniblement à chaque séquence. Pour le pubard Kounen, c’est une aubaine : le schtroumpf n’a qu’à enchaîner les saynètes avec une gloutonnerie de chiard qui parfois atteint le niveau honorable d’un sketch des Guignols (la fausse pub Kinder, énorme), parfois s’écrase pour repartir aussitôt. Mais en guise d’horizon et d’ensemble, la mise en scène s’excite, impuissante, comme une mouche contre une vitre. Normal quand les talents faméliques cumulés d’une telle entreprise, se rêvant en irrésistibles appâts du grand public, ressemblent surtout à un tas d’asticots se trémoussant péniblement au fond de leur bocal.

La matrice Glamorama et son picaresque parano et cocaïnomane ne sont que prétextes à la mise en place de délires gremlins un peu minables, une guirlande de petits boudins de cinéma où s’opposent deux élans irréconciliables : le punk plouc et provincial de Kounen contre le dandysme dadet mi bobo mi cadre supérieur de Beigbeder – qui pointe le bout de son nez, matez le degré d’ironie brechtienne, en double fantomatique du héros dans le film.

Mais le pire demeure cette impression que sous la coolitude et la fantaisie pop ne subsistent que sérieux et labeur de gras tâcherons, sueur et sourcils froncés de l’ambition mal assumée. C’est au petit soldat Dujardin, logiquement en première ligne, que revient malheureusement de mettre à jour cette ultime arnaque. Jamais si bon que lorsqu’il joue sur son terrain, le one man show prédateur et perso, l’acteur s’effondre toujours quand est mis en valeur son côté petit prolo de l’Actor’s studio (les rôles sérieux comme dans le misérable Contre-enquête), technicien burlesque à la petite semaine (ses origines télévisuelles, les comédies pas jouasses du type Il ne faut jurer de rien). Ici, c’est lors de la scène du saut dans le vide, et le temps d’une voix off d’écolier niveau CE2, que la nullité de 99 francs éclabousse vraiment : cela peut paraître bien maigre, mais c’est pourtant là que s’amorçait la possibilité d’un authentique film. Pas grave puisqu’une bonne diarrhée sur une île lointaine, en guise de finale entre Max Pécas et Koh-Lanta, remet in extremis le film à sa place : celle d’un petit caca de pingouin.