« L’histoire : parité, disparité, 48 heures par jour est une comédie sur le sort des femmes d’aujourd’hui qui jonglent en permanence entre boulot, mari, enfants et maison, et qui cherchent le moyen de ne rien sacrifier ». La femme d’aujourd’hui prise en exemple s’appelle Marianne (Aure Atika). Elle fait croire à son mari Bruno (Antoine De Caunes) qu’elle part travailler six mois au Japon, et le force ainsi à prendre ses responsabilités paternelles.

48 heures par jour est une comédie française tout ce qu’il y a de plus français. Des acteurs connus, un problème de société, une dose très contrôlée de drôlerie, une dose très contenue de méchanceté, une aptitude à écrire des répliques du type « Je pleure depuis vingt minutes, je ressemble à un lapin atteint de myxomatose », une propension à mettre beaucoup de musique, à faire beaucoup de scènes pour noyer le poisson, à faire que rien ne s’impose comme trop aigu ; et une constante tendance à rester raisonnable, pour ne pas verser dans la caricature, dans l’absurde ou dans l’abstraction.

L’étude sociologique, par le biais de sa mise en situation, est subtile et nuancée. Dès lors que Madame porte la culotte, elle se voit affublée des travers de son mari, plutôt en pire. Un des postulats de base (homme = mari = Téléfoot = L’Equipe) est remis en cause en cours de film. A partir du moment où Monsieur et Madame se livrent à la guerre des sexes, le film ne prend parti ni pour l’un ni pour l’autre (et ne peut par conséquent se faire taxer de machisme ou de féminisme militants), donne raison à tout un chacun, n’élude pas le problème sans solution, lorgne un peu vers « C’est la faute à la société », pour s’en remettre en somme à la capacité de chaque individu à se (re)concilier avec sa moitié, etc. Etc. La médiocrité guette, mais l’intelligence règne. Opération sensibilisation réussie.

Plus concrètement, voici un exemple de la borne à ne pas dépasser. Dans une scène de restaurant, le personnage de femme affranchie (Victoria Abril) remarque qu’elle est devenue un homme, tandis que l’homme du film (Bruno) serait devenu une femme. La réplique qu’elle lance à ce dernier (« Entre copines ») est drôle. Mais l’inversion des rôles et des sexes, évoquée de façon exclusivement langagière, n’atteint pas ces sommets de ridicule à partir desquels on pourrait parler de caricature, d’abstraction ou d’absurde. Bienvenue chez les ch’tis, en dépit de ses insuffisances, partait d’un aberration de principe : dans le Nord, on ne parle que ch’ti. Parce qu’il forçait le trait, le film parvenait à ouvrir quelques perspectives. Dans 48 heures par jour, l’éventail est fermé, on colle à la réalité dans les limites de la vraisemblance, en toute civilité et entre gens civilisés.

Dans une autre scène de restaurant, le décor, ringard, où la musique est trop forte et les musiciens en poncho (ou apparenté), est présenté comme l’endroit le plus « hype » de Paris. A partir du moment où l’on se demande quelle est la part de liberté prise par rapport à la sociologie, cela devient intéressant. Pour une liberté plus avérée, plus goguenarde aussi, on attendra Le Voyage aux Pyrénées des frères Larrieu (sortie en juillet). Et pour dépasser les bornes, Seuls two, de, et avec, Eric et Ramzy (sortie le 25 juin 2008).

Pour finir, deux remarques : les personnages interprétés par Yves Jacques et Catherine Jacob, le premier en roi du business machiste, et la seconde en employée accro au littérateur qu’elle materne, sont particulièrement réussis. L’un parce qu’il dépasse la mesure, l’autre parce que son histoire n’est rapportée que dans des scènes au téléphone portable (le recours à ce mode de communication, dans les scènes à plusieurs, est fructueux : on a l’impression que s’agrège au film un film en parallèle, plus raréfié, plus abstrait).