Après deux galettes funk plus (Bump) ou moins (A Go go, plombé par un trio Medeski, Martin & Wood étrangement pesant) convaincantes et une pause straight en quintet classieux (Works for me, l’année passée, avec Brad Meldhau, Chris McBride, Billy Higgins et Kenny Garrett), l’insaisissable John Scofield, cinquante ans en décembre dernier, s’en retourne à ses tentations binaires en gardant, comme toujours, une oreille pour l’air du temps. Entouré d’un Band à la connotation délicieusement seventies et caché sous une pochette psychédélique de la même eau, il replonge dans le grand bain davisien des années électriques et, à l’instar d’autres géants historiques (à commencer par Herbie Hancock, emporté lui aussi dans le tourbillon électronique du XXIe siècle commençant –Future 2 future, son dernier album), en réactive l’esprit avec les moyens d’aujourd’hui. « De tous les albums que j’ai enregistrés, observe-t-il d’ailleurs sur le sticker du disque, je crois que c’est celui que Miles aurait le plus apprécié » : de fait, on peut difficilement ne pas songer au « cabinet indien » du trompettiste à l’écoute de ce surprenant bric-à-brac de jazz, de rock et d’electro baigné de vapeurs orientales.

A la tête d’une rythmique (Adam Deitch, batterie ; Jesse Murphy, basse ; Avi Bortnick, guitare et samples) qu’enrichissent le fidèle John Medeski (claviers) et Karl Denson (sax et flûte), le guitariste construit des climats d’une luxuriante densité, empruntant à droite (trip-hop, rap) comme à gauche (jazz fusion, funk) les éléments et ornements d’un édifice touffu que coiffe son inimitable sonorité électrique torturée. Les morceaux bifurquent, les ryhtmes se combinent superbement, les idées fusent : il n’en fallait pas moins pour faire oublier la pauvreté de compositions (le plus souvent réduites à une phrase ou un riff autour duquel le groupe brode en tous sens) qui, comme pour A Go go, sont le flagrant point faible d’un album par ailleurs agréablement épicé.