Ce qu’il y a d’intéressant avec les jeux multi-supports c’est que la pertinence de leur présence sur une machine dépend directement de la logithèque de la console qui l’accueille. Prenons Rayman (lire le test de Rayman 2, sur PC), par exemple, et plus particulièrement ce troisième épisode. sur PC, c’est un ovni, sur GameCube, une excellente alternative aux productions des poids lourds nippons du genre Nintendo + Sega, sur Xbox, une bénédiction après des accidents industriels tels que Blinx. Sur PlayStation 2, par contre, Rayman 3 s’inscrit parfaitement au sein de l’école occidentale de la plate-forme, mouvement dans lequel Sony excelle en produisant des réussites du calibre de Jak & Daxter, Ratchet & Clank, ou Sly raccoon. Le jeu d’Ubi Soft y est donc moins complémentaire mais plus en phase avec la concurrence. Les habitués ne seront pas dépaysés, mais il n’est pas impossible qu’ils soient tout de même bluffés : la PS2 étant indubitablement la console qui souffre le moins du nivellement par le bas imposé par le portage multiple, il faut bien reconnaître que Rayman 3 y fait vraiment bonne figure. Textures d’une rare finesse, jolis effets de lumière, 16/9e, 60Hz, animation honorable… Le plus beau jeu de plates-formes, sur PS2, indiscutablement, et la manière la plus évidente de se distinguer d’une concurrence qui joue dans la même catégorie.

Du côté du gameplay, Rayman 3 se maintient gentiment dans une optique classique. Prise en main immédiate, niveaux de taille raisonnable mais fourmillant de petits secrets à débloquer, quelques petites innovations au niveau des upgrades du personnage principal, et des boss suffisamment tactiques. Pas de challenge de taille, ici non plus. Comme chez Sony, on vise un large public, très loin de la ligne hardcore d’un Mario sunshine. Seule petite surprise au programme : des niveaux intermédiaires entre les environnement principaux, furieusement psychédéliques et funky, dans lesquels on fonce sur une sorte de skateboard, en sautant d’une plate-forme luminescente à une autre. Hélas, c’est aussi un des plus gros points faibles du jeu, ces phases n’étant ni très intéressantes, ni très maniables. Elles agaceront les joueurs les moins patients. De fait, Rayman 3 remplit brillamment son contrat tant qu’il reste dans le domaine de l’académisme, avec tout ce que cela peut induire au niveau des avantages -on est tout de suite dans le bain- et des défauts inhérents au genre -caméra souvent rétive à se placer dans l’angle le plus opportun. Il pourrait presque se fondre anonymement dans la masse s’il ne se faisait pas remarquer par un univers décalé, entre Tim Burton et Tex Avery, de la sempiternelle esthétique dysneyenne qui parasite la concurrence. Et un humour qui, s’il tombe parfois dans la franchouillardise, fait souvent mouche dans le genre distanciation nonsensique -cf. le « retourne chez Zelda » balancé par un bad guy à une gentille petite fée cucul. Bien réalisé, plutôt marrant, Rayman 3 manque peut-être un peu de fraîcheur et de passion pour ne pas provoquer chez l’amateur de plates-formes made in Sony une pointe de lassitude. Mais dans un genre très fermé et une logique industrialo-familiale, c’est clairement ce qui se fait de mieux.