Suite au rabais, réalisée à peu de frais, jeu-jackpot destiné à renflouer les caisses de Square Enix, Final fantasy X-2 (FFX-2) est un peu le Final fantasy de trop, chapitre dispensable et un rien putassier de la fameuse saga RPG de SquareSoft… Seul fait notable, FFX-2 est le premier épisode à briser cette grande tradition qui interdisait tout sequel « direct » reprenant le même univers ou les mêmes personnages que l’opus précédent. Cette liberté prise avec le « Dogme » constituerait presque en soi un micro-événement -c’est historique-, mais elle laisse aussi aux créateurs la possibilité d’adopter un ton différent, plus léger, moins cadré et prolonger la dérive stylistique amorcée avec FFVIII, opus mal-aimé et mal-compris. Désormais, Final fantasy est un RPG mixte, soucieux d’attirer un éventuel public de pisseuses nippones, à grands renforts d’amourettes platoniques, d’éphèbes efféminés et de décorum baroque. C’est aussi une série qui se voudrait ancrée dans la modernité, délaissant les clichés médiévaux-fantastiques pour se concentrer sur l’image, l’affect et la représentation. Les premières heures de FFX-2 assument cette tendance au-delà des limites du supportable : les trois héroïnes du jeu (dont deux rescapées de FFX, Yuna et Rikku) jouent les pop-idols avec une insouciance presque provocatrice trois produits de la hype (version Shibuya, le quartier tendance de Tokyo) de la mode et de la télévision -dont l’équivalent local, la visiosphère, joue un rôle crucial dans le déroulement de l’intrigue. Elles sont totalement à leur place au sein d’un monde, Spyra, provisoirement pacifié après la destruction du monstrueux Sin et entièrement dévoué à une société du spectacle franchement décomplexée. Les développeurs de Square Enix auraient pu conserver cette ligne déviante jusqu’au bout, quitte à chatouiller la susceptibilité des détracteurs de la série. Malheureusement, le trip « Charlie’s Angels au Club Med » laisse très vite sa place à un juste retour de la routine FF-esque, mystique de bazar, conflits religieux, menace de destruction massive… Tout en conservant cette improbable quincaillerie jap-kitsch trempée dans une soupe J-pop des plus délicieusement irritante, composant une sorte de péplum nippon-futuriste esthétiquement incorrect pour l’arrière-garde des amoureux de la série. Du fan-service iconoclaste, il fallait y penser.

FFX-2 est un épisode d’une audace mesurée, autant sur la forme que sur le fond. Le gameplay n’adopte, lui aussi, qu’une liberté de surface, le découpage du scénario sous forme de mini-missions se révélant, à l’usage, assez superficiel. Que reste-t-il donc à cet épisode malade ? Un sentiment assez étrange de « déjà-vu » et de nostalgie à la petite semaine : on visite les mêmes lieux, au pixel près, on retrouve quelques vieilles connaissances. C’est d’abord rassurant, puis de plus en plus laborieux au fur et à mesure que l’on se lance dans un nombre impressionnant de quêtes annexes pas toujours passionnantes. Au bout d’un certain temps, on finit même par ressentir une certaine distance et une forte dose de perplexité devant cet épisode qui ressemblerait presque moins à un vrai jeu qu’à un pur objet d’analyse critique pour ceux qui voudraient décortiquer les mécanismes d’une licence de plus en plus envahissante. Sur l’écran, les personnages s’agitent, se contorsionnent comme des épileptiques à la moindre syllabe prononcée ; beaucoup d’agitation pour pas grand chose : le joueur est déjà ailleurs, il est passé à autre chose…