D’abord l’étonnement, et une certaine inquiétude (elle-même tirée du goût amer laissé par leur précédent film, Les Femmes de ses rêves), à l’idée de voir les Farrelly se fondre à ce point dans la doxa qui, de l’empire Apatow à Very bad trip, règne aujourd’hui sur la comédie américaine. Soit l’exploration de la libido mâle, telle qu’elle est révélée par le trip de gentils quadra provisoirement échappés du cocon familial, soumis à la loi de leur seul désir le temps d’une récré qui dégénère et dont ils rentreront queue basse, petits garçons pénitents rapatriés dans les jupes d’épouses maternelles. On se débat devant tout le film avec cette impression-là, qui est assez triste : celle que les frères, loin de la rayonnante singularité qui fut la leur, sont un peu à la remorque de l’époque, prennent le wagon en marche. Ce sentiment qu’ils se nagent dans des eaux qui ne sont pas vraiment les leur culmine quand surgissent au milieu du film quelques gags trashs qui, s’ils sont drôles, semblent déposés là comme de simples effets de signatures, sans vraie nécessité, sans l’harmonie qui, dans les grands films des frères, autorisait tous les excès.

Pourtant le sujet était bien pour eux, eux dont le cinéma au fond a toujours plus ou moins tourné autour de ce ressort : le mur de réalité où viennent s’écraser les fantasmes masculins. De ce point de vue, le point de départ est génial : en couple, les quadras à chemisettes sont convaincus d’être des étalons en captivité ; redevenus célibataires le temps d’une semaine (et du « hall pass » délivré par leurs épouses, sorte de bon pour aller voir ailleurs), il s’avère que non, évidemment, ils ne sont pas vraiment des tombeurs et d’ailleurs, il n’est pas sûr qu’ils en aient tellement envie. Quand il s’agit de filmer cette déconvenue, le film fait souvent mouche, trouvant ses meilleurs moments dans un art de la rupture qui, à l’évidence, n’a pas tout à fait abandonné les Farrelly. Et en même temps ces moments-là révèlent l’ambiguïté un peu embarrassante du film, qui hésite constamment entre le puritanisme et son commentaire. Deux films se font concurrence, entre lesquels les Farrelly semblent incapables de choisir, l’un qui voudrait désamorcer le programme un peu beauf, un peu misogyne, et très puritain annoncé par le pitch (et qui y parvient par endroits avec une vraie finesse), l’autre qui, à l’inverse, semble faire remonter ce programme comme une vague.

Le film se clôt par exemple sur une séquence hilarante, une sorte de coda qui représente le rêve éveillé d’un autre type s’imaginant à son tour gratifié d’un « hall pass » et qui n’y trouve que la mise en scène apocalyptique de sa culpabilité. Mais le problème est qu’au fond, la morale du film lui-même (la semaine « hall pass » finit en cauchemar et les deux héros sont pressés de rentrer à la maison) administre un peu, sans second degré, le même type de sanction. Ce gymkhana, qui donne parfois le désagréable sentiment d’un film un peu faux-derche, surprend de la part de cinéastes dont les plus belles réussites étaient précisément d’une cohérence à toute épreuve. C’est moins le fond puritain de l’affaire qui gêne (au bout du compte, la morale est sauve pour le couple principal, celui de Owen Wilson – seuls les sidekicks ont couché, exutoire commode) que l’embarras des Farrelly avec cette question-là. Joie et tristesse à la fois, donc, devant ce film vendu comme le grand retour des Farrelly, et où les frères ne reviennent qu’à moitié, en boitant un peu.