Produite par le rappeur/entrepreneur 50 Cent, Power nous propose de suivre James St. Patrick, proprio de la boîte de nuit la plus en vogue de Manhattan mais également plus gros dealer de la région sous le surnom de “Ghost”. Pourquoi ? Parce que ses employés n’ont jamais vu son visage, la police n’a aucune idée de qui il peut être et, véritable caméléon, il peut côtoyer tous les gangs de la ville sans jamais être inquiété. A ses côtés, sa femme, ses gosses et son ami de toujours – Tommy, sorte de sosie d’Eminem se prenant pour un Avon Barksdale sous Redbull – en font l’homme de l’année.

Pendant la majeure partie de son pilote, Power ne dépasse pas ce pitch minimaliste. En bon clip de rap déguisé (il y a, surprise, beaucoup de 50 Cent sur la B.O), la série se contente de faire étalage de sa panoplie bling-bling dépassée à base de grosses liasses, de grosses “biatches” et de gros calibres … jusqu’à l’apparition d’Angela, amour de jeunesse de Ghost devenue procureur pour la ville de New York et dont la nouvelle cible est ce mystérieux dealer. A priori, faire preuve d’originalité n’était pas au cœur de la note d’intention de la série.

Créée par Courtney Kemp (autrefois scénariste sur l’improbable succès critique et public qu’est The Good Wife), la série semble prendre de haut ce qu’elle imagine être son audience. Quand Sons of Anarchy se démarque en proposant une relecture basse de plafond de Hamlet, Power se contente de rejouer les sagas criminelles classiques en mode mineur pour direct to video diffusés sur NRJ12. Les sentiers scénaristiques sur lesquels la série s’engage ont été rebattus maintes et maintes fois et aucun cliché, qu’il soit dans la caractérisation des personnages, les dialogues ou les storylines, n’est épargné au malheureux spectateur s’étant pris à rêver à une version plus « urbaine » de Boss, ce chef d’oeuvre que Starz a annulé bien trop tôt.

Si les thématiques sont à peu de choses près les mêmes, le traitement fait toute la différence et même la mise en scène n’ose ici embrasser le potentiel de son sujet, se contentant d’illustrer platement le script. Une série comme Spartacus (toujours sur Starz) avait connu des débuts semblablement difficiles et balourds au niveau de la narration, mais sa mise en scène, fusion étonnante de 300 et de Ken Le Survivant, avait permis d’imposer la série le temps que ses auteurs trouvent leur marque et leur direction. A l’inverse, Power se contente de faire du pilotage automatique: on imagine un 50 Cent producteur réclamant une version gangsta rap des Affranchis ou de Casino. Malheureusement pour lui, sa showrunner n’est pas Terrence Winter (par ailleurs auteur du biopic tellement outrancier du rappeur qu’il en devenait presque génial), et cela se ressent à chaque séquence.

Malgré son impuissance chronique proposer autre chose qu’une sinistre telenovela gangsta (aussi fou que ce concept puisse paraître), Power a déjà été renouvelée pour une seconde saison. Malheureusement, si ces bases bancales ont fait leurs preuves, il y a peu de chances de voir les auteurs de la série assumer leur postulat et nous proposer la série B burnée que l’on était en droit d’attendre avec une telle affiche.