Librement inspirée des mémoires éponymes de Eddie Huang (aussi narrateur de la série), Fresh Off The Boat nous raconte l’installation de la famille Huang à Orlando : de l’ouverture du restaurant tex-mex du père, Louis (Randall Park, le Kim Jong-Il de The Interview), à la relation amour/haine de sa femme, Jessica (la révélation comique Constance Wu), avec l’American way of life en passant par les aventures d’Eddie et de ses petits frères pour s’intégrer, grandir et évoluer dans deux cultures diamétralement opposées. C’est Nahnatchka Kahn qui s’attelle à ce projet, plus proche de la sous-estimée Everybody Hates Chris que de la précédente création de Kahn, la toute aussi sous-estimée (décidémment) Don’t Trust The Bitch In Apartment 23. Pari réussi ? Plus ou moins.

Ce que dépeint Fresh Off The Boat c’est une histoire d’intégration plus subtile qu’il n’y paraît. Les clichés d’antan n’ont pas droit de cité: pas de délires à la Mickey Rooney qui faisait une blackface de japonais dans Breakfast at Tiffany’s. Série de network oblige, la violence gratuite et insidieuse du racisme n’est pas à l’écran et tout au plus, la série mettra en scène des préjugés de personnages qui se feront rapidement remettre en place. Non, ce sur quoi la série préfère se concentrer (de façon plus réussie et moins forcée que dans Black-ish sur la même chaîne) est la problématique de l’intégration, voire de l’assimilation (in)consciente d’une culture nouvelle sans pour autant renier celle de vos origines. En cela, Fresh Off The Boat, même si elle reste légère et remplit à 100% sa fonction de feel good series, est une grande réussite.

Vendue sur l’ensemble de son casting, la véritable star de la série est fatalement le personnage pour lequel l’intégration se révèle la plus difficile. Jessica, la mère, est fascinée par les opportunités capitalistes que les USA proposent (elle deviendra agent immobilier, grosses comm’ sur les ventes oblige), son amour pour Melrose Place ou les romans de Stephen King lui permettent de se faire des amies dans le quartier mais à côté de ça, elle délaisse la cuisine chinoise, s’habille comme une Américaine et laisse ses enfants devenir de parfaits petits Américains. Ce questionnement lié à l’identité culturelle donne lieu aux meilleurs épisodes de la saison. Pour le reste, la série est malheureusement, comme beaucoup de comédies lors de leurs saisons inaugurales, en pleine recherche identitaire et il n’est pas rare de voir des arches narratives naître et ne pas être exploitées ou de suivre des intrigues que l’on a déjà vues traitées de la même façon dans d’autres séries du genre. Si Fresh Off The Boat a bel et bien sa propre voix, elle n’ose pas encore la faire entendre haut et fort.

Se déroulant dans les années 90 et reprenant le gimmick de la voix off post datée de Everybody Hates Chris (qui était elle située dans les années 80), Fresh Off The Boat est surtout une ode nostalgique à cette décennie faite de la révolution hip hop auquel le jeune Eddie s’identifie dans son combat d’outsider. Évitant les références trop évidentes, la série consacre un épisode entier à le déception vidéo ludique que fut le fameux Shaq Fu, ce jeu que tout gosse des années 90 a essayé sans insister plus que de raison. Tendre, drôle, juste, nostalgique, peu incisive et encore moins offensive, Fresh Off The Boat est une bonne série qui a malgré tout suscité l’ire de Eddie Huang qui ne retrouve pas le contenu (le suicide de son grand-père, sa mère qui le battait, etc), ni le ton doux amer de ses mémoires dans cette série résolument plus family friendly et politiquement correcte que ce que Huang semblait attendre de cette adaptation. Ajoutez à ça les propos de l’un des producteurs qui lui aurait promis que la série serait le Panda Express de la fiction TV, et vous comprendrez que la série, malgré un gros potentiel thématique, narratif et politiquement offensif, préfère la jouer safe. C’est bien là tout ce qu’on peut lui reprocher.