Rarement tagline n’aura été aussi à propos que celle de cette adaptation télévisuelle de L’Armée des 12 Singes de Terry Gilliam. En nous enjoignant à “défaire l’histoire”, elle nous intrigue mais nous dévoile aussi sa note d’intention. Tout le monde se souvient du film avec Bruce Willis, l’un des derniers survivants de l’extinction de l’humanité envoyé dans le passer pour empêcher l’holocauste viral de se produire. Perdant la puissance évidemment évocatrice de La Jetée de Chris Marker dont il était la libre adaptation, le film de Gilliam est devenu culte et l’annonce de son adaptation en série TV (dans la mouvance actuelle des Une Nuit en Enfer, Fargo ou encore Scream) n’a pas autant surpris que suscitée la méfiance. A raison ?

Malgré un démarrage hyper efficace dans sa capacité à condenser les enjeux du film et en créer de nouveaux en l’espace d’un pilote de quarante minutes, 12 Monkeys pêche par la suite de par son repos exclusif sur sa storyline du virus. En tant que McGuffin, alpha et oméga du prétexte scénaristique, le virus (et les gens chargés de le répandre) en devient presque une sorte de Beep Beep de SF alors que les héros endosseraient la panoplie de Vil Coyote, à la pointe du plan qui ne marche jamais et victimes plus ou moins consentantes des folies que permet le voyage dans le temps. C’est en effet bien là que réside tout l’intérêt de la série, bien décidée à exploiter au maximum les possibilités d’écriture qui vont avec ce concept et proposer une série de science fiction s’imposant comme l’une des propositions les plus intéressantes et fouillées du genre depuis un moment.

En plus de son exploitation réjouissante de son concept de base, il est agréable de réaliser un épisode après l’autre que la série ne semble pas partie pour balader son spectateur. Non, elle assume des partis pris inattendus pour un projet de ce genre et ne donne pas cette désagréable impression être improvisée au fur et à mesure de son avancée. Bien sûr, il est peu probable que les auteurs de la série aient d’ores et déjà prévu une fin bien précise et surtout le cheminement qui y mène mais nous ne sommes clairement pas dans un schéma narratif réminiscent de la plupart des succédanés de Lost. Et si l’issue de la série se révèle être une arnaque comme beaucoup d’autres avant elle, le voyage n’aura pas été désagréable. En revanche, budget SyFy oblige, il ne faut pas être phobique des entrepôts et friches industrielles dans lesquels se déroulent la majeure partie des épisodes, mais cela fait presque partie du folklore de la chaîne.
Les menus défauts de 12 Monkeys sont contrebalancés par sa capacité à être un show introspectif mais aussi rétrospectif quand le voyage dans le temps se fait meta et donne une nouvelle saveur à de petits moments qui pouvaient tomber à plat. Comme si la saison, au fil de son run, remontait elle même le temps pour améliorer ce qu’elle nous a raconté jusque là. En faisant de son histoire un objet qui peut être réécrit à volonté, effacé ou autorisé à exister dans des réalités parallèles, 12 Monkeys au delà de ses solides qualités de série B, peut se voir comme une belle réflexion sur la responsabilité qu’il y a à créer une histoire et la raconter et la responsabilité envers les personnages crées qui au delà de leur fonction de chair à rebondissements et à cliffhangers sont eux aussi des êtres humains que chaque voyage dans le temps, chaque retcon et chaque choix narratif rapproche de la perte d’identité et de la perte de leur histoire. En plus d’être ce que la SF télévisée a de plus excitant à proposer ces derniers temps, 12 Monkeys lance des pistes de réflexion (entre autres sur les questions de choix et de destin) qu’elle parvient à ne pas rendre pompeux, les enrobant toujours d’une bonne couche d’entertainment transformant en plaisir la gymnastique philosophique qu’elle peut susciter. Depuis quand la télévision n’avait pas eu cet effet ?