Après avoir mis K.O son supérieur d’une beigne, le sergent Pete Hill – « super soldat » de son état ayant à son actif une centaine de raids contre les talibans – est relégué à l’arrière du front, au pays, dans le même régiment que ses petits frères. Fini le terrain, adieu l’adrénaline, Pete va découvrir un tout autre aspect de l’armée : la logistique et le soutien aux familles restées au pays …

Créée par un ancien de Scrubs, Enlisted est à mille lieux de l’ersatz d’Army Wives que son pitch pouvait laisser imaginer. Mêlant adroitement la comédie la plus burlesque (l’humour est, pour une fois à la télévision, très visuel) à des dialogues frais, ciselés et pleins de vannes militaro-pop (certains soldats regardent Démineurs pour se remonter le moral), la série se pose en héritière revue et corrigée du comique troupier type M.A.S.H. En nous plongeant dans un univers que l’on avait plus forcément l’habitude d’observer autrement que par le prisme de l’hyper-réalisme des Kathryn Bigelow, Peter Berg et consorts et en reprenant le trope, toujours payant en comédie, du type arraché à sa zone de confort pour redécouvrir la vie dans un milieu radicalement différent, Enlisted s’impose comme une excellente surprise.

En appliquant la méthode d’écriture douce-amère de Scrubs à l’armée, la série dévoile un potentiel émotionnel qui lui permettra sans doute de dépasser son simple statut de comédie. En traitant sans lourdeur ni pathos de sujets comme l’éloignement difficile pour les enfants et l’isolement de certains conjoints, Enlisted parvient à insuffler une pointe de sentiments bienvenue à sa proposition comique. Délaissant les mécaniques usées jusqu’à la corde par bon nombre de sitcoms, Enlisted a “l’audace” d’assumer sa tendresse pour se distinguer de la concurrence (malgré son efficacité, Brooklyn Nine-Nine a tendance à enfermer ses personnages dans leurs caricatures) et dévoiler discrètement son cœur et celui de ses personnages au public.

Au delà de ses intrigues militaires souvent loufoques (comme cette compétition de laser tag avec un détachement Italien), Enlisted est surtout une histoire de famille. Pete, grand solitaire devant l’éternel, va devoir renouer avec ses jeunes frères, Randy qui l’idolâtre et Derrick dont l’attitude fumiste flirte avec un anti-militarisme gentiment cynique et bienvenu. Il va également devoir assumer les responsabilités de chef de famille qui sont désormais les siennes. De la petite asiatique complètement allumée au serial killer en puissance sans oublier le capitaine black dont le malheur est d’avoir une prothèse de pied blanche (sa taille n’existant pas en noir), l’excentricité des personnages secondaires pourtant bourrés d’humanité font d’Enlisted la meilleure nouveauté comique de la saison. Oui, c’est la deuxième fois que nous disons cela depuis la rentrée (cf. l’hystérique Brooklyn Nine-Nine). En ces temps de répression militaire de par le monde, l’uniforme n’a paradoxalement jamais été aussi drôle.