Lancée juste après qu’Entourage ait eu droit à son décrié baroud d’honneur filmique  (un critique américain avait conseillé les futurs spectateurs du film de se faire vacciner contre le tétanos), Ballers avait, sur le papier, tout ce qu’il fallait pour être le nouveau paradigme du cool selon HBO: un monde fait de fric, de filles, de fun et … The Rock ! Hélas, si le bling bling, les seins à l’air et les vulgarités réjouissantes (ici en mode mineur) de son aïeule sont au rendez-vous, le compte n’y est malheureusement pas.

En bon quarterback, The Rock se démène pour faire de Ballers un Mister Freeze télévisuel tandis que ses linebackers auteurs se contentent de livrer une saison aux allures de vilaine v1 petit bras manquant cruellement d’anabolisants type ambition ou originalité. Spencer Strasmore est un joueur de foot US retraité reconverti dans le management de joueurs. Comme c’est un ancien, il connaît déjà tout des affres de la vie d’athlète multi-millionaire: les négociations houleuses, les coucheries et les conflits avec des coéquipiers. Il peut ainsi régler n’importe quel problème d’un coup de baguette magique accompagné d’une sempiternelle leçon de morale bien sentie parsemée de quelques « fuck ». On sent clairement la volonté d’avoir un clone d’Ari Gold pour héros, mais Dwayne Johnson n’est pas Jeremy Piven et l’écriture du personnage est plus proche de celle d’un personnage de téléfilm sportif Disney (bonhomie, envie de bien faire et sourire Colgate) que de celle d’un surexcité Scorsesien qui serait tombé dans la coke tout petit.

 

Le manque d’épaisseur véritable et la caractérisation trop lisse de ce personnage sont symptomatiques de l’échec du projet, et le roaster de seconds rôles est à l’avenant. Quand ils ne sont pas inintéressants car made in clichés (le retraité qui aimerait retâter du ballon vu l’ennui de la vie civile, le joueur intenable et incontrôlable aux frasques incessantes et le rookie prometteur à l’entourage difficile à gérer), ils se distinguent par leur idiotie à toute épreuve. Vu l’accumulation de conneries et d’erreurs de jugement à leur actif, il ne serait pas étonnant que les saisons futures tournent autour d’un diagnostic massif de retard mental chez les stars de la NFL. Alors que la série aurait pu viser le trip hédoniste et nihiliste qui assume l’étalage obscène d’excès des protagonistes brûlant par les deux bouts leurs quinze minutes de gloire (l’aspect saisissant et fun du Le Loup de Wall Street), Ballers se contente de la jouer safe et family friendly (discours ronflant sur l’importance de la famille à l’appui en guise de season finale) et achève de réduire son intérêt à peau de chagrin.

Faute d’être vraiment drôle ou d’assumer ses storylines superficielles, la série tente de créer du drame et d’humaniser à outrance des personnages pourtant imbuvables. Voir un millionnaire tromper sa sublime copine dès qu’il en a l’occasion et se transformer en canard de combat pour la récupérer tandis que la quasi-totalité de la saison tourne autour des conséquences d’une fête – pourtant relativement sage et loin des excès de Caligula – n’est pas vraiment ce qu’un gourou du scénario pour les nuls qualifierait de “compelling storytelling”. Pire encore, Ballers ne se souciant pas de sa propre continuité, il n’est pas rare de voir la série boucler une intrigue et passer arbitrairement à autre chose, échouant ainsi dans chacune de ses tentatives de s’offrir un peu de gravité. Quant à l’humour, la série abdique rapidement et préfère nous montrer The Rock, extatique, se trémousser et chanter quasiment in extenso sur le Shake It Off de Taylor Swift.

L’impression de voir des scènes coupées d’une version Fisher Price du Any Given Sunday d’Oliver Stone se fait de plus en plus prégnante à mesure que la série avance, l’efficacité, le punch et le mordant en moins. L’essai étant loin d’être transformé, on préférera largement la très réjouissante Survivor’s Remorse, concurrente directe en matière de comédie sur les dessous du sport de haut niveau. Une série aux allures d’outsider (diffusée sur Starz où elle fait des audiences abyssales) qui n’hésite pas à traiter de véritables thématiques sociales tout en étant d’un cynisme à toute épreuve.