La première saison d’American Horror Story avait l’immense mérite de dépoussiérer le concept du home sweet home qui vire au cauchemar gothique en convoquant une galerie de personnages très modernes dans leurs névroses. Chaque saison forçant un reboot audacieux des personnages et de la trame narrative, Ryan Murphy (Nip/Tuck) nous emmène cette fois-ci à l’asile. Soyons honnête : on n’attendait pas grand chose de la visite de cet hôpital psychiatrique, concept facile aux couloirs récemment usés par tant de séries B et de found footages. Après une courte introduction en trompe l’œil (un jeune couple de bobos visite – quelle bonne idée – l’établissement désaffecté et réputé pour l’horreur des traitements infligés à ses pensionnaires), American Horror Story : Asylum précise définitivement son projet : placer son récit dans les années 60 pour une plongée en apnée éprouvante au cœur du système médico-pénitencier, à travers un scénario chorale et une poignée d’historiettes comme autant de nouvelles de Stephen King.

 

Pourtant ici, pas de spectres vindicatifs ou de murs qui saignent. La maison hantée de la famille Harmon et ses revenants claquemurés (saison 1) font place à des sources de terreurs bien plus tangibles et viscérales. Si le récit dérape parfois pour faire la part belle à des manifestations surnaturelles (inexpliquées, elles restent de pures ambiguïtés, des phénomènes perçus et des sens trompés), le cœur du sujet est bel et bien la torture psychologique et les mœurs barbares des médecins et des religieux. « Ni Dieu, ni la science », semble nous dire Ryan Murphy. L’institution de Briarcliff est sous la tutelle de Sœur Jude, dévote impitoyable et hystérique (Jessica Lange, époustouflante) et du Docteur Arden, dont les recherches sur la tuberculose servent évidemment des desseins et des obsessions autrement moins humanistes.

 

Si l’hôpital (lieu par excellence des droits confisqués) devient rapidement le théâtre d’une lutte de pouvoir entre ces deux autorités, il détruit aussi efficacement au nom de Jésus qu’en celui du progrès scientifique toute l’innocence du progrès social d’après-guerre. Racisme, volonté de briser les femmes indépendantes ou sexuellement libérées, acharnement à « soigner » l’homosexualité – et plus largement toute déviance à la norme – par des thérapies de choc : c’est par la toute-puissance de la médecine et de la foi que l’horreur se manifeste. American Horror Story : Asylum se vit comme  la version ténébreuse du trajet vers la modernité que peint également Mad Men, sans toutefois en égaler le foisonnement et la puissance d’évocation culturelle. Tandis que la série multiplie les cliffhangers rivalisant de sadisme sur le sort des pauvres « héros » (moralement ambivalents) lors des sept premiers épisodes, c’est une accalmie progressive qui s’installe et qui chagrinera sans doute les plus impatients dans le dernier tiers de la saison. Mais en côtoyant ces monstres dans une temporalité inaccessible au format cinéma, on en perçoit aussi la fragilité, le besoin de rédemption offrant les brèches d’un retournement global du récit vers la porte de sortie de l’hôpital. Ce sont les derniers épisodes, au rythme plus lent et apaisé, qui amènent chaque victime vers sa libération, chaque bourreau vers son jugement. Et dans un finale bouleversant montrent le vrai visage de l’horreur : l’impossibilité de pardonner.