De Yaron Herman, on avait gardé le souvenir d’un admirable premier album sur Sketch en duo avec le batteur Sylvain Ghio, Takes 2 to know 1 : lyrique, inventif, percutant, jarrettien, son jeu de piano nous avait époustouflé, et l’on n’avait pas hésité une seconde à inscrire son nom sur nos tablettes dans la catégorie des jeunes artistes les plus prometteurs de l’époque. Inutile de dire, donc, combien on était impatient de l’entendre en solo, à l’occasion de la naissance d’un nouveau label monté par le centre culturel de La Borie (et nommé, donc, « Laborie »). Après deux ou trois pistes, on est convaincu que la première impression était la bonne ; et après deux ou trois écoutes, on est tout prêt à faire de Variations l’un des meilleurs albums de piano solo de l’année. Comme toujours chez ce surdoué, le projet et la structure de l’album sont dûment intellectualisés, presque conceptualisés (grand amateur de mathématiques et de philosophie, Herman a poussé le goût de la théorisation jusqu’à inventer une méthode d’improvisation, la « Real Time Composition », qui lui a valu d’être invité par Laurent Cugny à animer des conférences sur le sujet) : trois thèmes offrent la piste de départ pour une série de variations plus ou moins ouvertement improvisées, à quoi s’ajoutent en fin d’album une reprise de Sting (Fragile) et le splendide Hommage à Francis Paudras de Clare Fischer. Au coeur du disque donc, Gershwin (l’inévitable Summertime, qu’Herman parvient à pousser vers des chemins inédits), Fauré (Libera me) et un traditionnel juif (Ose shalom) ; à partir de chacune de ces partitions, le pianiste construit trois ensembles splendides et extrêmement cohérents, où se repère à peu près partout l’influence majeure de Keith Jarrett, dans le touché autant que dans le lyrisme, les arabesques dans l’aigu, la main gauche qui rythme comme un métronome dans le bas du clavier, le goût de la « belle » mélodie, une manière de construire les improvisations ou l’énergie de passages extrêmement puissants. Les clins d’oeil sont d’ailleurs explicites (on jurerait par moments entendre le Köln concert dans Jerusalem of gold, et Facing you dans… Facing him). Mais plus qu’un clone surdoué du maître américain, Yaron Herman confirme ici les promesses de Takes 2 to know 1 et s’impose, osons les superlatifs, comme le jeune (il est né en 1981) pianiste le plus attachant, prometteur et magique du moment. Et probablement de ceux qui vont suivre.