« Son âme en ces matins hagards, circule en chaque atome de vapeur lourde et de voiles épars, son âme énorme et vague, ainsi que ces grands dômes qui s’estompent dans le brouillard… et qu’importent les maux et les heures démentes, et les cuves de vice où la cité fermente… » Emile Verhaeren avait-il pressenti en 1895 « l’atmosphère éclatante et chimique » des after de ce nouveau millénaire, ou les petits matins de Paris sont-ils toujours aussi propices aux dérèglements des sens ? Les after, héritières des cabarets fin XIXe ? Aujourd’hui, du cocktail « cocaïne, morphine, absinthe » des symbolistes décadents ne subsiste que la blanche poudre colombienne, agrémentée d’ecstasy et de vodka, mais le rythme de la ville tentaculaire s’est accéléré, dépassant le seuil critique des 120 BPM cardiovasculaires. Depuis 1996, W.A.R.R.I.O investit les after de la capitale et plonge les noctambules dans un état de veille paradoxale, dilatant le temps comme un maître des horloges biologiques. Eric Dahan, réincarnation post-nucléaire minimaliste de Proust, tient le journal hebdomadaires des illuminations sonores et radiantes convoquées dans les « after-chic » dont W.A.R.R.I.O : Red cocktail est le complément « sound + vision ».

Après le « monument » After house et l’anthologie Adult only, W.A.R.R.I.O sort Red cocktail (décrypté « Raide ? Coke ? Tél. ! »), un double CD de house underground restituant l’hyperactivité synaptique des clubbers entre 6h et midi et faisant la part belle aux productions françaises (Krikor, The Absolute Family, AKS et Ghenacia, E-Troneek Funk, Combustible…). Initiateur des mythiques after Faster pussy cat kill kill du Palace, W.A.R.R.I.O déploie en 24 titres sa technique de « transeur » étirant le mix comme une longue caresse buccale. Le premier CD, plus sensuel, entrelace de superbes rythmiques deep incrustées de nappes ralenties et de vocals subliminaux (Sometimes sweet Suzan de Krikor). Total « collapse » érotique, Gamat 3000 et son Cosmic strut injecté de Salsoul est suspendu au déchaînement des timbales de Trouble Men (Body and soul). « Up or down », la montée supersonique du E-Troneek Funk infiltre le groove nerveux de Losoul avant d’atterrir dans les nappes atmosphériques de Love Tronic (You are love). Avec son orientation dancefloor, le second CD Red cocktail égrène une hard-house plus mentale, appuyée par des nappes froides et des percussions trippy. L’hypnose devient un peu martiale mais les versions de Moody (ESG) par T-Collective et Sessomato sont monumentales. Si vous dormez pendant que W.A.R.R.I.O mixe au Rex ou au Batofar, Red cocktail vous donnera une idée de la beauté de ses sets.