Difficile exercice que celui de la compilation, trop démonstrative, vitrine du « meilleur » du label, elle pêche souvent par manque de cohérence. Certaines parviennent cependant à se faire album, un disque où rien ne fait défaut, où tout s’enchaîne avec fluidité comme s’il s’agissait d’un seul et même artiste. Ligne musicale marquée et précise, la cinquième compilation de Dub Recording constitue l’une de ces exceptions.

Dub Recording est un label hollandais qui depuis Rotterdam perpétue et alimente une scène electronica. Electronica, tout simplement electronica, n’ayons pas peur des mots et marquons d’emblée les limites du label : ceux qui s’aguichent d’une musique pour son seul aspect « novateur » devront passer leur chemin. Ici le ton est celui des premières années du genre : début années 90, Autechre, Aphex Twin, ou un jeu accessible entre déconstructions rythmiques et mélodies attachantes. On aime ce label pour la spontanéité de ses artistes, pour l’immédiateté (du moins apparente) de leurs compositions, comme un transfert direct des émotions dans les machines. Le meilleur exemple se nomme Funckarma. Ce duo de La Hague (dont on conseillera le magnifique album Parts sorti en 2001) est composé de Don et Roel Funcken. Les deux frangins voient leur musique impliquée des références précitées mais s’en dégagent avec habileté. Ils échafaudent un univers personnel, un monde bâti sur des thèmes mélodiques puérils et naïfs, sur des constructions rythmiques en forme de Lego et des grincements timides. Etonnement fragile aussi, le duo Funkstorung apparaît caché sous un sigle intraduisible. Auraient-ils eu peur que leur nom effraie, au regard de l’état piteux de leurs récentes productions ? Ils nous rassurent et ne cherchent plus à faire du « hip-hop ». Grand bien leur fasse, ils quittent leurs penchants démonstratifs et retrouvent sens et émotion. Doux et mélancolique, D’arcangelo s’échappe lui de Rephlex (label d’Aphex Twin) et pose une délicate comptine faite de sons abstraits et de petites notes d’un piano lointain. Andre Estermann (M.A.S.) semble lui répondre dans une tonalité des plus nostalgiques. Rythmes plus lourds et saccadés, piano triste, Erik Satie n’est jamais loin, Aphex Twin non plus…

Ailleurs, on croisera les aventures analogiques de Phako ou EOG : froids, cinglants et répétitifs, Men with boxes est avant tout un disque onirique, où tout n’est que prétexte à mettre en valeur des mélodies minimales et mélancoliques. Un disque qui lorgne aussi vers des aventures hip-hop réussies avec Boom Operators et Speedy J vs Math. Speedy J, artiste des plus surprenants qui commença avec des tubes techno quasi dance (Pullover sur +8, label de Plastikman et de John Acquaviva) pour se faire de plus en plus bruitiste, de plus en plus autiste. Dub Recording est peut-être alors un label d’autistes ou d’égoïstes, des gens qui ne font rien pour plaire si ce n’est à eux-mêmes. Et par hasard, comme par accident, ils nous touchent.