Impulse ! a enfin réédité les petites perles de jazz psychédélique produites entre 1965 et 1968 par Bob Thiele. Objectivement, ces enregistrements sont parmi les moins intéressants du catalogue. La comparaison avec les albums de John Coltrane, Archie Shepp ou de Pharoah Sanders est sans appel. Bob Thiele a seulement tenté de profiter de la vague Flower Power, qui balaya les Etats-Unis à partir de 1966, en sortant une série d’albums commerciaux. Il réunit alors de jeunes musiciens comme Tom Scott, Gabor Szabo, Bill Plummer et Emil Richards au sein du collectif des California Dreamers, dans lequel officia aussi la bassiste des Beach Boys, Carol Kaye. Objectif : séduire le jeune public blanc et hippy.

Mais comment ne pas être séduit à l’écoute de l’extatique Bill Plummer and his cosmic brotherhood ? L’album est la BO fantasmée de Casino Royale et de The Party réunis, leur prolongement inespéré. La version en Sitar-O-Rama de The Look of Love ne sublime-t-elle pas l’œuvre originale de Burt Bacharach ? Et Jazz Raga ! Sur cet album, Gabor Szabo délaissa la guitare pour le sitar, allant même jusqu’à en jouer sur un scooter Vespa devant une Raga Doll un peu gaga ! Musicalement, les morceaux sonnent parfois comme du Jerry Garcia en descente d’acid-test. Le son est tellement hip qu’à chaque écoute ma cervelle se liquéfie comme une lava lamp ! Plus puissant que de l’Accapulco gold ce truc-là mec! Gabor Szabo est bien meilleur à la guitare surtout lorsqu’il est accompagné par les rythmiques infinies de Chico Hamilton, Victor Pantoja et Willie Bobo. Les deux titres de l’onirique Spellbinder sonnent comme d’irrésistibles invitations aux amours sabbatiques. En 1965, la même formation enregistra l’énorme Conquistadores sous la direction de Chico Hamilton : turn on your love light baby ! Dave Mackay et Vicki Hamilton semblent sortis d’un épisode de Ma sorcière bien-aimée lorsqu’ils entonnent Blues for Hari, emportés par le sitar euphorique de Bill Plummer (gboêeng ! zing ! prooat !). Quel joli couple moderne ! Emil Richards, avec son Microtonal Blues Band, est resté bloqué au microland avec son xylophone en Lego.

On imagine la bohème étudiante d’alors écouter Tom Scott and The California Dreamers en fumant une pipe indienne, pieds nus, à Berkeley: « Ouah ! Pamela brûle son soutien-gorge pendant le solo de Tom Scott sur Today, comme aux Love-in des Jefferson Airplane ! » Les images glacées de ces albums Impulse ! montrent la classe moyenne blanche américaine en pleine révolution de pacotille. Le California dreamin’ des Mamas and Papas est ce fantasme d’une Californie hédoniste jeune et immortelle. Endless summer ? L’éveil des consciences sera de courte durée et le summer of love pourrira comme un fruit trop mûr. Cette compilation préserve les vestiges de ce jazz freak out pour villa californienne avec piscine.