Au début des années soixante, le jeu de batterie de Earl Palmer (batteur de Jesse James et d’Eddie Cochrane) était si puissant, voire punitif, que Phil Spector l’engagea pour l’aider à construire son fameux « Wall of Sound ». 44 ans plus tard, Mark Jones et Mark Lessner fondent le label Wall of Sound, avec apparemment en tête une seule obsession : le rythme. Cette compilation (sans aucun inédit) fête les 5 ans du label : leur obsession a-t-elle musicalement payé ? J’en doute fort. On retrouve donc les Propellerheads et leur History repeating avec Miss Shirley Bassey, auto-proclamés stars de l’année dernière, bien qu’ils ne cassent pas trois pattes à un canard et que tout le monde s’en rende compte, mais c’est l’époque qui veut ça ; Mekon (ex-Psychic TV, aussi incroyable que ça puisse paraître) et Schoolly D, obsédés par le rap old school ; les Dirty Beatniks (qui ont pour eux un chouette nom) et leur house funkisante à deux balles ; Les Rythmes Digitales, certainement le plus doué de l’écurie, ne serait-ce que parce qu’il a un semblant de personnalité (douteuse évidemment, mais tellement savoureuse) ; Artery et son dollar (qui n’en vaut pas un) de dance pas drôle ; Themroc, super-vilain dont le fuzzy logic est presque dangereux. Rappelons que la logique floue est une méthode de calcul d’intelligence artificielle, notion apparemment bien maîtrisée par les membres du label… Zoot Woman : « I’ve got a feeling / it’s automatic ». Tiens, c’est marrant, moi aussi, j’ai cette impression. Aussi automatique qu’une rythmique monocorde de Hamilton Bohannon -pas de pics, pas de creux, pas d’intensité : du travail à la chaîne. Heureusement, Taylor est passé par là, ce sont les machines qui suent maintenant. Un ami me souffle que ça ressemble à Peter Gabriel. Réflexion faite, il n’a pas tort. Suit le débile Ooh la la des Wiseguys, pourtant responsables d’un album agréable. Tout dans la rythmique, rien dans la tête. Tous les mêmes. Wreckage Inc. fait dans la jungle crade à tendance Shaft. Bon. Les Strike Boys ont pour eux la force d’un concept simple : ils frappent en rythme. Voilà. Qui sait ? Peut-être qu’un soir, sous les spotlights, ça vous rendra fou. En tout cas, ils l’espèrent très fort. Est-ce que ça marche pour eux, au moins ? Ceasefire et E-Klektik (on dirait un nom de groupe de rap français, c’est dire le ridicule) ont l’inintérêt cosmique d’un mauvais documentaire sur Rio (les percussions, tout ça…). Enfin, Akasha va plus loin que Jimi Tenor dans le langoureux. Beaucoup plus loin. Sting, lui, n’est pas loin, par contre. Alors, que se passe-t-il ?

De tout ce fatras majoritairement insipide, la devise est : notre efficacité compensera notre absence d’idées (chez Wall Of Sound, une idée suffit à faire un morceau. Parfois, moins d’une idée, d’ailleurs). Encore faut-il être suffisamment efficace, c’est-à-dire sauvage et brutal, ce que tous ces pros du clin d’œil potache (on est tous des versions super-héros de Village People, on est trop funky, on a un fanzine branché, on vit dans un club, etc.) ne sont pas. Par contre, on tape du pied. Ça, pour taper du pied, on tape du pied. Alors, si ça vous suffit, ce disque est pour vous. N’empêche. Ce n’est pas avec un spectre musical si limité qu’ils vont ébranler le mur du son…