En musique comme en amour, l’essentiel est de savoir souffler le chaud et le froid aux meilleurs moments. Voici un conseil dont Glass Candy et leurs amis du label Italians Do It Better ont su s’aviser.

Beaucoup d’encre a coulé ces derniers mois sur la métamorphose esthétique d’un Chromatics no wave et sous estimé (le précédent Plaster hounds pourrait toutefois réjouir les admirateurs les plus exigeants du EVOL de Sonic Youth) devenu le compagnon idéal des lectures de bandes dessinées Pulp et de road trips nocturnes. Ce revirement suit une trajectoire parallèle à celle qu’avait empruntée au début des années 80 Robin Lee Crutchfield après le split de DNA – et sa séparation d’Arto Lindsay dont la bossa polaire continue à lever le même blizzard – en fondant seul sur un terrain en friche le magnifique et électronique Dark Day. C’est donc ici que commence cette compilation, à la croisée de ces routes perdues au macadam sombre, juste après que les titres Hands in the dark et Chameleon de Crutchfield (aujourd’hui repris par Glass Candy et Chromatics sur ce disque) aient glacé les sangs d’Adam Miller et de Johnny Jewel.

Evidemment, ces projets seraient inconsistants si ces deux formations se complaisaient dans une singerie de la musique schizophrène et claustrophobe de leur génial inspirateur… L’écriture et le chant sont ici sensuels et envoûtants, la violence est tempérée par ce même venin disco qui est aujourd’hui la marque de fabrique d’Italians Do It Better. Car, au-delà des deux groupes précités, c’est une poignée de musiciens qui se retrouvent dans la partie fine de ce bordel SF digne du film Liquid sky de Slava Tsukerman. Dès lors, laissons courir nos fantasmes… Celui d’un Lady operator mécanique, désincarné au vocoder inventant une passion aseptisée et numérique (interprété par Mirage), ou d’un Dancing girls (Farah) confiant ses rêves moites de 1001 nuits en langue persane. La voix de Ruth Radalet (Chromatics) insuffle au robotique Computer Love de Kraftwerk une sensualité charnelle semblable à celle de l’excellente reprise du Miss Broadway de Belle Epoque par Glass Candy. Farah offre également dans la résignation de la bucolique Law of life le splendide et le mobide : «My heart broke / It walks on water/ The Sun burns my eyes/ My life left with you ». Professeur Genius, en point d’orgue mythologique de ce disque, narre sur la martiale Pegaso la victoire du cheval ailé sur la Chimère ; comme le triomphe de la poésie sur le monde virtuel et son isolement.

L’âme, la matière, la chair, la conscience, le vivant et l’artificiel forment ainsi l’esprit commun de ces quatorze chansons étrangement cohérentes et à la beauté inquiétante où seule l’affreuse reprise de Last night a Dj saved my life par Indeep est dispensable. Goûter à la douce violence de cette morsure chromatique provoque une irrésistible dépendance…