Déjà le huitième album de Total sur le très intéressant label américain Vhf. Total est le projet solo de Mathew Boner, ex-guitariste de Skullflower (treize albums entre 1988 et 1996, groupe majeur de la guitare psychédélique lourde et bruyante). Le disque est composé de huit titres, en fait des index probablement ajoutés après enregistrement puisqu’ils ne s’interrompent pas jusqu’à la fin : amateurs de longues plages sonores, voici pour vous une heure de guitare bruyante et poétique, parfois accompagnée de bandes. Mathew Boner dessine des paysages flous et sauvages, mystiques parfois, dans lesquels il faut savoir se perdre. Évidemment, cette musique demande de l’attention, une certaine capacité d’abandon. Les paysages en question ne prennent forme qu’au bout de longues minutes, mais le résultat en vaut la peine.

Total, comme Skullflower ou Ramleh auparavant, constitue l’un des éléments importants de la musique psychédélique de cette fin de siècle. Sans parole, sans les mots, ces longues heures de guitares à la dérive en disent souvent long sur notre monde, tout en nous permettant de le fuir. Exemples : le magnifique Tapestry I, l’inquiétant Colloquial sunset music, l’ardu The yellow sound ou l’émouvant Zina. Stridences, lointaines percussions métalliques, couches de larsens empilées comme des rondins dans la grange, gémissements du vent dans les cordes à linge, banjos de tous les pays, où sommes-nous ? Dans le monde imaginaire de Total, mi-urbain, mi-rural, et dans lequel nous vous invitons à plonger, calmement, les oreilles grandes ouvertes. Grand disque ardu, comme tous les disques de la famille Skullflower.