Un son très lourd auquel se mélange une rythmique drum & bass, c’est avec cette sauce épicée que débute le premier album de ce duo qui a pris le nom de sa chanteuse, Esthero. Ils sont marquants ces couples homme/femme dans le trip hop : les ancêtres d’EBTG -Ben Watt et Tracey Thorn-, Geoff Barrow et Beth Gibbons, Tricky et Martine sur Maxinquaye et maintenant Doc et Esthero. Le plus bel atout de ce duo est sans doute la voix comme avec Tracey Thorn à laquelle on pense beaucoup en écoutant celle, en tout point merveilleuse, d’Esthero. Et l’on pense aussi beaucoup au chant, tout en douceur, de Caroline Crawley (surtout sur Half a world away), chanteuse des défunts Shelleyan Orphan.

Deux petits jeunes donc (respectivement vingt-six et vingt ans) qui ont dû écouter leurs aînés car on retrouve certaines caractéristiques d’Everything But The Girl, de Portishead ou de Tricky. Ce son lourd du troisième, la richesse harmonique des seconds et la place prépondérante de la voix des premiers avec sur quelques morceaux, au choix, un rap dur (Breath from another), une voix soul accompagnée de violon (That girl, Country vivin’, Half a world away), une guitare latino, trashy (Heaven sent) ou gentiment acoustique, un piano répétitif (Anyways), une trompette jazzy couchée sur un lit de cordes (Lounge), une harpe et un synthé Moog d’époque avec les craquements (Superheroes), des boucles électroacoustiques (Swallow me qui clôt l’album… avant le morceau caché, extraordinaire expérimentation trip hop trash mélodique !).

Originaire de la ville de Toronto, qui n’est pas particulièrement connue pour sa scène musicale, les deux d’Esthero n’ont donc pas eu de distractions qui les auraient tenu éloignés du travail en studio où chacun tentait d’empêcher l’autre de tirer la couverture à lui. On peut dire que les draps sont restés au beau milieu du lit et qu’il ont même pris comme un gaufrage qui les a enrichis en volume comme l’atteste ce premier album étonnant de maîtrise musicale et de connaissance de la musique pop de ces trente dernières années. Un pas de plus dans le mélange (réussi) des genres et une poignée de tubes dansants pour l’été.