Alors que chaque jour, par on ne sait quel retournement nostalgico-ironique, la frontière entre « in » et « out » se brouille (l’easy-listening, la moustache, Bernard Menez…), Tom Jones, ex-maçon devenu star de Las Vegas et ami d’Elvis au milieu des années 60, bénéficie depuis longtemps d’un oubli bienveillant. Sa reprise du Kiss de Prince avec Art of Noise (en 1988) puis son apparition surréaliste à la fin de Mars Attacks ! de Tim Burton l’avaient identifié auprès des jeunes générations et semblaient annoncer une légère modernisation, d’où la curiosité pour cet album de reprises en duo avec des « jeunes ». On espérait être surpris, trouver ici des chocs qui produiraient une étincelle, mais après écoute on se doit de prévenir l’amateur de curiosités : Ce disque est triste et pire que prévisible, c’est du « trad-rock » qui sonne comme le pire d’Oasis.

Il y a d’abord la présence de groupes totalement insignifiants. Que ce soit les Stereophonics, les Barenaked Ladies ou le James Taylor Quartet, ce qu’ils proposent sonne tellement anodin qu’il vaut mieux ne rien en dire. Ensuite les résultats sont variables : Sur le Burning down the house des Talking Heads choisi comme single, la voix de Nina Persson (Cardigans) contraste agréablement avec celle de Mr Jones. On peut dire la même chose du duo avec Neil Hannon (Divine Comedy) sur All mine de Portishead, arrangé façon « James Bond fait la marche des éléphants », où l’on croirait entendre le soigné Roger Moore et le brutal Sean Connery se mesurer enfin. Ailleurs, la chanteuse de Catatonia minaude en pouffant, Natalia Imbruglia tente d’invoquer des anges (hélas bouffis) sur une reprise d’INXS, et James Bradfield (Manic Street Preachers) n’est pas au mieux sur un morceau d’Elvis qui lui aussi accuse les kilos. Même verdict pour Mousse T et Simply Red, respectivement aussi sexy et sensuels que mon chausson droit et mon chausson gauche.

Le groupe Space et la chanteuse de M People font des apparitions sympathiques, puis on est obligé de parler de ces choix qui sonnent comme une plaisanterie, voire une provocation : She drives me crazy des Fine Young Cannibals avec Zucchero ? Lust for life d’Iggy Pop avec Chrissie Hynde, qui semble réclamer le droit d’être maintenue en vie artificiellement ? Ou bien Are you gonna go my way en duo avec Robbie Williams, tellement grotesque que ça en devient comique ? On a beau mépriser Lenny Kravitz, on ne peut que compatir devant ce qui est fait à ce morceau. Un vaudeville.

Et puis il y a l’exception, le dernier morceau avec Portishead. Une guitare contenue qui laisse à Tom un vaste champ pour crier sa peine, un rythme félin qui se love sur un tapis de cordes, et une montée en puissance orchestrale réussie. C’est la seule fois sur le disque que l’on sent une fusion entre deux univers, la finesse du groupe portant la gouaille du Gallois avec bonheur. On regrette donc que sur les autres morceaux le chanteur, dont la voix reste intacte, n’ait qu’invité des amis à passer chez lui sans toucher à rien, car cette reprise confirme que c’est lorsqu’il sort un peu que sa voix si particulière est la mieux mise en valeur. Dommage.