J’ai toujours eu de la sympathie pour ces groupes de reprises qui jouent dans les bals de province, pour les fêtes nationales. Ces vieux rockers, interprétant à la note près les standards pop, sont les fans parfaits, désintéressés, souvent très bons musiciens, s’acharnant à retrouver la note exacte, l’intonation adéquate, pour retranscrire au mieux ces morceaux des Stones ou des Beatles qui les ont toujours fait vibrer. The Kingsbury Manx, quatuor pop-rock originaire de Chapel Hill (Caroline du Nord), n’est pas un groupe de reprises, loin de là, mais sait éveiller ce même sentiment de nostalgie, telle une madeleine de Proust pop, à travers douze chansons évoquant autant d’influences et de souvenirs plus ou moins lointains : Swell (Cross your eyes), Yo La Tengo (Regulard hands), le Velvet (Piss Diary), les Beach Boys (Hawaï in ten seconds), Eliott Smith (How cruel), le early Pink Floyd (Fields), Simon and Garfunkel (Whether or Not it matters), ou encore Palace, Low, Dump ou les Red House Painters, autant de groupes unis par la même exigence mélodique, la même science harmonique, ici chapeautés par l’esprit vivant des sixties psychédéliques.

The Kingsbury manx est donc l’album extrêmement référencé d’un groupe qui a su conserver l’essence et l’aisance mélodique d’une certaine tradition du song-writing et de la composition. Musique mnésique, qui commence et finit par de lents fades, comme s’élevant doucement des profondeurs de la mémoire, pour s’éteindre peu à peu, une fois le souvenir mis au jour, les chansons sont arrangées de façon minimale, en demi-teintes, sur un rythme de promenade, les voix à même hauteur que les instruments, souvent doublées, ou en chœur, unifiées par de lancinantes mélodies.

On pourrait penser que The Kingsbury Manx est un groupe qui « se cherche », du fait de la multiplication des références qui habitent cet album, mais à l’écoute, on fait l’expérience d’une véritable singularité, dans ce mélange harmonieux de chants croisés et de guitares soupesées. On patientera donc en toute confiance jusqu’au prochain album, avec ces colliers de perles doucement psychédéliques, qu’on égrènera pour passer le temps. Ce groupe est une promesse.