C’est incroyable, on reçoit deux fois par mois au bureau, venus des Etats-Unis, plusieurs nouveaux CDs du label Secretly Canadian, et on ne peut pas faire autrement, à chaque fois, que de chroniquer ces nouvelles sorties, parce qu’elles sont systématiquement excellentes.
The Danielson Famile ne lasse pas. Depuis dix ans que cette véritable famille de musiciens se démène sur toutes les routes américaines, tel un collectif hippie christian-folk de fous furieux musicalement incestueux, le culte n’a cessé de s’alimenter aux rapports déformés de ses frasques hilarantes. The Danielson Famile fait partie d’un collectif de musiciens mélangeant en toute anarchie esthétique punk-folk et spiritualité, référencé sous le nom de « The New Jerusalem Music », et leur premier album (1994), enfin réédité, s’intitule en français Une Prière pour chaque heure. Musicalement, Daniel Smith, qui mène sa petite famille de sa voix suraiguë et de ses lyrics mystiques, est influencé par T-Rex, Rapeman, B.A.L.L., Syd Barrett, Bob Dylan, Bongwater, My Bloody Valentine, Beat Happening, Cypress Hill, Ween, Donovon , Sonic Youth, Royal Trux, Beatles, Half Japanese, A Tribe Called Quest, Bowie, Can, Pixies, Minutemen, James Brown, Tom Waits, Daniel Johnston, Brian Eno, Larry Norman, Captain Beefheart… Et sans doute les Shaggs aussi (ces trois soeurs prépubères qui jouaient la pop sixties la plus fausse et la plus honnête de l’histoire du rock). Les 24 titres de ce premier album mélangent gospel blanc, teenage-indie-rock et folk nu, comme joué par une troupe dionysiaque de gamins de 15 ans. Une certaine lecture païenne de la mythologie américaine, entre Harmony Korine et La Nuit du chasseur. Un classique désormais.

June Panic, s’il n’est pas très connu en Europe, est pourtant un activiste de longue date de l’indie-folk américaine, et le premier artiste à avoir sorti un album sur Secretly Canadian. Après une prestation parisienne qui nous avait paru un peu décevante, ce cinquième LP du jeune homme est une bonne surprise, un disque riche et cohérent, aux mélodies chaleureuses, aux arrangements contrastés. Enregistrées avec un groupe complet, dans un style americana, inspiré autant de Neil Young que du Velvet, ses chansons ont la carrure des classiques, même s’il leur manque parfois la spontanéité et la sincérité de celles de ses camarades de label, la famille sus-citée, à qui on donnera estivalement notre préférence.