Qu’on le sache tout de suite. Il n’y a pas un Cannonball dans ce nouvel album des Breeders. L’unique tube des Breeders restera sans doute l’unique tube des Breeders, même si on aurait aimé voir l’histoire s’écrire autrement. Cependant, ce nouvel album de Kim Deal, accompagnée par sa soeur Kelley et des membres du groupe punk new-yorkais Fear, ne manque pas d’atouts pour séduire les vieux fans des Pixies autant que les jeunes amateurs d’indie-rock en général. On ne refera pas la biographie des Breeders ici. Il y a le site la maison de disque pour ça, mais on ajoutera simplement que Kim Deal, après plusieurs désintox et quelques scandales, s’est retrouvée sans groupe et avec une réputation d’ingérabilité qui l’a frustrée pendant longtemps d’un nouvel album.

Jusqu’à aujourd’hui, où elle est de retour avec un disque de rock honnête, rempli de bonnes chansons, enregistré par Steve Albini et produit selon la philosophie « All waves », argument médias autant que sonore. La philosophie all waves « propose que tout enregistrement soit analogique et émane d’une personne qui joue ou qui chante et non d’un ordinateur qui générerait une simulation ou qui manipulerait dans le domaine digital des sons séparés de la dimension temporelle dans laquelle ils ont été produits. Un rapprochement avec la mouvance cinématographique du ‘néo-réalisme’ (dont fait partie le Dogme initié par Lars Von Trier) ne serait pas incongru. » (dixit le dossier de presse).

Le résultat est effectivement saisissant : réverbérations naturelles, chaleur des basses, granulé des guitares, souffles, petits bruits de studio… La prise de son géniale de Albini, mariée au naturalisme des moyens de productions, donne un son clair et chaud, une impression de proximité et de spontanéité assez rare de ce côté-ci de la production musicale.

Quand par ailleurs, les chansons sont à l’avenant, comme Off you, piste 3, merveille lente, slow incarné de guitares lointaines, mélodie en rotation à tomber, la dépense semble justifiée. Ou The She, piste 4, avec son groove downtempo, la charley qui rythme tout, la basse qui tourne et les guitares qui se répondent en stéréo, on a l’impression d’être dans le studio avec le groupe. Le piano intervient sur le refrain, ce morceau a un côté funk blanc psyché, un peu Silver Apples. Sur plusieurs titres, on retrouve aussi avec plaisir le chant doublé par les soeurs jumelles, chacune à l’octave. D’efficaces morceaux indie-rock (Viva, Full on idle, Huffer, particulièrement enlevé avec ses choeurs pop à l’ancienne et ses guitares saturées), ponctuent cet album réellement agréable, qui se bonifiera sans doute avec l’âge.