Swell, depuis son premier album si bien nommé, Well ?, n’a que peu évolué : quelques guitares électriques en plus, un peu de programmation, mais depuis dix ans, la ligne adoptée reste imperturbée, pour notre plus grand bonheur. Une guitare sèche en avant, une batterie tendue et soutenue, une basse profonde mais discrète, une voix sous-mixée, souvent doublée, une recette, une identité, un exemple de cohérence et d’intégrité, au service de mélodies électriques et acides.

Ce groupe sera à jamais le projet d’un seul homme, David Freel, qui a toujours su choisir au mieux ses faire-valoir instrumentistes, susceptibles d’illustrer efficacement, à la guitare ou à la batterie, sa vision psychédélique d’une folk électrisée et compacte comme une pile Wonder, de celles qui durent encore, et encore, et encore. De cet exemple de longévité, il n’y a pas grand-chose à ajouter, sinon qu’on est toujours ravi de réentendre ce son désormais familier, comme une vieille connaissance qu’on retrouverait de loin en loin, les accords d’aujourd’hui distillant la nostalgie d’hier, les souvenirs d’une amitié durable quoique discontinue.

Sur Everybody wants to know, donc, on retrouve David Freel (« guitars, keyboards, vocals and other crap » comme indiqué sur les notes de pochette) accompagné de Rey Washam à la batterie, pour sept nouveaux morceaux et deux titres repris du précédent mini LP, Feed. L’occasion d’écouter à nouveau cette folk rêche et extrêmement carrée, comme assemblée sur Cubase ; ce son extrêmement clair, où tous les instruments sont bien séparés, non seulement par un usage constant des panoramiques, mais également par un mixage intelligent, dessinant les contrastes et les textures sonores comme les parties distinctes d’un tout harmonieux. Ces séquences acoustiques-électriques, soutenues par des rythmiques puissantes et d’une précision diabolique, appuient des lyrics un brin désenchantés, aux thématiques amoureuses (« It’s over, it’s better / It’s out of your hands / Been waiting, for something / to crash down or land / It’s easy to burn out « ) ou voyageuses (« All the bad days / Got drunk and drove the long way / To find lost things got found as well / And we glad to be / In this show »), entre road movie et incapacité. Le tout est mis en relief par des inserts de guitares saturées du plus bel effet, de sporadiques pianos répétitifs, des nappes de synthés discrètes.

Au final, Everybody wants to know est un énième album de Swell, ni meilleur ni moins bon que les précédents, mais toujours extrêmement agréable à écouter, et qui distille son psychédélisme de cordes et de caisses claires comme un onguent doux-amer, dont on ne se lasse ni de la délicatesse, ni de l’aigreur.