Qui aurait cru à la sortie de leur premier 45t (vert pomme) sur Duophonic que Stereolab deviendrait ce groupe si productif (multitude de singles et maxis), crédible (remixes en pagaille, collaborations avec Nurse With Wound, UI, Tortoise, récemment Brigitte Fontaine, etc.), si habile à manier des références pointues tout en restant accessible, et donc à orienter la hype en leur faveur ? Il existe en effet un langage Stereolab, qui provient de l’amour de Tim Gane pour le krautrock, le free jazz, l’easy-listening, les disques incredibly strange, les synthétiseurs analogiques, etc. Bien sûr, on retrouve tous ces éléments dans ce nouvel album (quinze titres de bonheur simple et enjoué), qui présente la particularité d’utiliser de nombreux cuivres phasés et des rythmes très jazzy.

On ouvre ainsi avec Fuses, qui mixe avec génie Be Bop et psychédélisme digital. Dans la catégorie super-rythmiques, il suffit d’écouter The Free design (et sa batterie Laïka-like), Op hop detonation (et ses trompettes Miles Davis) ou Infinity girl (et ses harmonies vocales poussées) pour se rendre compte que le groop sait groover. Il sait aussi faire des clins d’œil et ne s’en prive pas : aux jupes en aluminium des 60’s sur Blips, drips ans strips, aux hommes et aux femmes quand ils fredonnent Chabada sur l’ovale Italian shoes/continuum, aux deux sœurs jumelles sur Spiracles, à Neu (au moins une fois par album) sur Strobo acceleration, monomaniaque comme sur l’autoroute (avec des paroles en français toujours aussi agaçantes ou charmantes, c’est selon). Cependant, nos petits amis en sandales de plastique orange savent aussi bercer nos cœurs de langueurs monotones : ainsi, l’envoûtant Puncture in the radar permutation est mélancolique à souhait et The Emergency kisses (en français) nous baigne d’un déluge de violons crépusculaires, comme pour nous prouver que la tristesse, c’est aussi dans leurs cordes. Pour finir, deux mini hommages aux minimalistes répétitifs (Reich, Young, etc.) sur les longs mais pas ennuyeux Blue milk (11 mn) et Caleidoscopic gaze (8 mn), dont le theremin prend l’auditeur dans sa robe.

Finalement, chez Stereolab, le plus énervant, ce n’est pas le fait qu’ils ne se renouvellent pas, non, ce qui agace le plus, ce sont leurs fans, persuadés qu’ils sont d’avoir bon goût, et fiers qu’ils sont d’avoir la panoplie parfaite et propre, très propre, de jeunes gens modernes et dans le vent. Parce que Motörhead, c’est bien aussi. Un très bon album qui, à défaut de surprendre, enchante.