Bill Callahan nous revient, sans parenthèses autour de son Smog cette fois-ci. Accumulation : none n’est pas à proprement parler un nouvel album mais une compilation, la première, des singles de Smog. On ne pense pas spécialement à ce groupe comme à un faiseur de tubes et le recueil de singles peut, dans un premier temps sembler saugrenu en ce qui concerne Smog. D’ailleurs, hormis le bien nommé A Hit, superbe titre glam/lo-fi en forme d’aveu d’échec ricanant (« It’s not gonna be a hit/So why even bother with it/Just play it down fast/Forget about it/I’ll never be a Bowie/I’ll never be Eno/I’ll only be a Gary Numan »), la plupart des chansons qui composent Accumulation : none, ne sont pas des habituées des playlist FM. Il s’agit plutôt de pépites abandonnées ici et là, sur des labels de hasards, à la distribution confidentielle, et qui sont désormais devenues plus ou moins introuvables.

C’est donc sans doute avec plaisir que certains d’entre vous découvriront les paysages désertiques de Real live dress, au glacis de cordes proche de ceux de Scott Walker, ou les promenades crépusculaires incomparables que sont Spanish moss ou Came blue qui, à elles seules, valent le détour tant elles témoignent à merveille ce sens de l’épure que l’on ne trouve plus trop dans les livraisons récentes du cow-boy le plus spleenétique de la Création. Accumulation : none rappelle que Bill Callahan n’a pas son pareil pour concocter des chansons prenantes dès la première note avec une économie de moyens qui pousse au respect : la boîte à rythme la plus archaïque peut lui servir à appuyer un titre aussi subtil que Little girl shoes. La manière qu’il a de nous conter ses voyages introspectifs au creux de l’oreille, comme en confidence, en font un Léonard Cohen ou un Nick Drake contemporain fort convainquant. Certains titres sont proposés ici dans des versions « remaniées » : ainsi, Chosen one quitte sa dépouille lo-fi, des années Julius Caesar, pour une orchestration proche de la formule trouvée sur ce qui reste un des sommets de Smog, le EP Kicking a couple around. Ceux qui avaient peu accroché au « Lou Reedesque » Knock knock, pourront entendre une version près de l’os de Cold blooded old time. L’autre intérêt de cette poignée de chansons est de proposer un éventail assez large des différentes incarnations de Smog, depuis les premiers brouillons lo-fi (Astronaut) aux grandes démonstrations de songwriting classique (I break horses) auxquelles il nous a ensuite habitués. En douze titres, l’opus permet autant au novice d’entrer dans l’oeuvre foisonnante de Smog qu’au fan inconditionnel de réunir quelques perles qu’il chérira en attendant le prochain véritable LP.