Avant d’entrer dans la machine, revenons au code-source. Tout commence avec The Mint Chicks, une formidable formation néo-zélandaise qui nourrit en son sein la créativité de la paire Nielson (Kody et Ruben). Leur pop mal élevée en fait, sur les bords, de lointains cousins des californiens de No Age.

S’éloignant progressivement de leurs racines punk, ces deux-là décident alors chacun de concocter leur propre projet pour donner libre cours à leurs expérimentations indie-funky, prêts à amadouer le hipster comme à flatter le théoricien pop.

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Ruben a peaufiné sur trois albums le feu d’artifice Unknown Mortal Orchestra et, plus récemment, Kody (lui aussi multi-instrumentiste) a choisi de son côté de revenir à une méthodologie simplifiée: point trop de monde dans le studio. De façon surprenante, le son pourtant relativement dépouillé de Personal Computer, premier LP sous le pseudo Silicon, se révèle très proche de celui du maximaliste Multi-Love du frangin (sur lequel Kody a d’ailleurs poussé quelques boutons). Et assez éloigné, malgré des incursions vaguement vaporwave, des hystéries sucrées de PC Music – au cas où le titre et la thématique hardware-geek vous aurait induit en erreur.

Les habitués de Unknown Mortal Orchestra se retrouveront, avec ce mix de vocaux vaporeux et de funk digital à la sauce alternative, en terrain connu: Burning Sugar n’aurait par exemple pas déparé sur l’excellent dernier UMO. Et c’est d’ailleurs un problème pour ce Personal Computer que de passer derrière les festivités du groupe-frère. S’il s’en démarque par une dominante plus alanguie, il se fait sur ce versant dépasser par un autre disque: celui de son camarade de label Jaakko Eino Kalevi, avec qui il partage d’ailleurs le même mélange de brillance enthousiasmante et de laisser-aller problématique. Faut-il pour autant le laisser se noyer entre ses petits camarades plus hauts en couleur ? Non, car l’album comporte assez de morceaux crédibles pour séduire même ceux qui se contrefichent de ses dimensions théoriques.

Ici ou là, sur Submarine notamment, Kody Nielson va se nourrir à la matrice Thriller pour inoculer à la pop théorique issue de la fin des nineties quelque chose de smooth et vaguement sexy, un RnB aspartame rêvant à Stevie Wonder dans une chambre d’étudiant en art-school. Ce qui pourrait horripiler, mais donne ici, grâce à d’habiles détours, naissance à des morceaux au charme gentiment retors. Voire, comme sur God Emoji, à de vrais moments de brio pop.

Mais ce sont surtout des titres comme Love Peace ou Little Dancing Baby qui emballent instantanément. On aura peut-être oublié ce dernier dans un mois (là où d’autres morceaux moins évidents de l’album s’avéreront peut-être pérennes), mais pour l’heure, son beat décomplexé nous hameçonne en toute aisance. Que l’on s’accroche à un tube disco sans conséquence sur un disque affichant ses ambitions conceptuelles signifie certainement tout un tas de choses. Pour l’heure, on en retiendra qu’une seule : l’été touche à sa fin.