Quand on évoque le gangsta rap, on ne cite pas souvent ce bon vieux tireur Jesse B. Weaver, aka Schooly D. Ses sueurs gangsta ont pourtant fait autant de remous dans les médias ricains que les méfaits de NWA et du pimp en puissance Ice-T. Mais cela remonte à plus de 14 ans…Dès 1987, année de la bombe Saturday night, qui sera suivie par la salve Smoke some kill, Schooly D salit les journaux Républicains. Ses opus brûlants furent d’ailleurs à l’époque retirés de nombreuses boutiques, et ce à la suite de plaintes de moult politicards reaganien qui voulaient estampiller à tout va les productions rap d’un « parental explicit lyrics ». Ils y sont parvenus…

Hasard heureux ou mini coup de promo (bidon), la réédition de Am I black enough 4 you tombe quelques mois après la sortie du dernier film de Ferrara (Christmas), ami du rappeur Philadelphien (Philadelphie n’a pas vu naître que The Roots ou Dj Cass Money…). Depuis ses débuts, Ferrara a toujours appelé Schooly D à la rescousse pour enluminer ses opus. Dans King of New York (comment oublier la scène de coke sniffing’ bleutée avec Laurence Fishburn, porté par le titre Am I black enough 4 you à fond la sauce) et The Addiction, le hardcore graisseux de D inonde les scènes les plus violentes. Ainsi, dans la version européenne de Bad lieutenant, on peut entendre Signifying rapper (le titre le plus outrancier de D) qui couvre « la scène de l’église » (la version US comporte un titre instrumental censuré). Si l’alliance Ferrara-Schooly D a permis de booster la carrière du rappeur (tout comme le sample crédité de Gucci again sur le Block rockin’ beats des Chemical Brothers), elle reflète aussi un bon exemple de ce que la contre-culture américaine des années 90 a donné en matière de déviants artistiques décalés. Un noir américain qui défèque sur le drapeau US rencontre un cinéaste italo-américain camé jusqu’à l’os, ce qui donne un résultat pernicieux et nuisible pour certains, et un choc frontal pour d’autres. Et pour cause, il est tellement facile de se laisser aller avec ses deux lascars…

Même si cet album explicite n’est pas une des meilleures cuvées du rappeur, on kiffe toujours sa façon de sampler comme un malpropre les classiques soul des années 70 et de placer sa voix nasillarde easy, en balançant des idiomes gangsta toutes les deux rimes. Et si les rythmiques old school de Am I black enough 4 et ses samples consumés donnent un coup de vieux à certains titres, la rage de Schooly se ressent à chaque semonce. Bref, cette galette noire est faite pour les nostalgiques de l’époque du gangsta funk et des « albums à samples grillés », pour les fans de gangsta rap qui veulent faire bouger un dinosaure du genre sur leur platine, pour ceux qui aiment les gars qui se foutent de tout, surtout quand ils le font avant tout le monde. Voici donc Schooly D, un des premiers rappeurs qui fit peur aux mémères américaines. Schooly D l’infâme. Schooly D le renégat. Faites tourner !