Attendu depuis quatre ans, entouré des rumeurs les plus improbables, le septième album des fusionneurs Angéliens risquait fort de décevoir les fans qui comptaient les jours. Le même phénomène s’était injustement produit pour quelques artistes dont les disques -qui avaient tardé à se matérialiser- ont refusé de s’écouler, une fois dans les bacs (Hole, les Smashing Pumpkins ou Beck en témoigneront). Si l’on ne peut pas prédire l’avenir commercial de Californication, on peut d’ores et déjà rassurer les inconditionnels des Peppers : ce millésime1999 fait partie des meilleurs crus du groupe, à croire que les quatre RHCP se bonifient avec l’âge. On soupçonne également le guitariste revenant, John Frusciante, d’avoir ressuscité l’ancienne alchimie au sein du quatuor, reprenant le fil de l’histoire là où il l’avait sectionné en 1992. Son jeu de guitare acrobatique, souple et léger, se marie parfaitement à la basse bondissante de Flea (et l’on ne mentionne pas les harmonies vocales fragiles qu’il crée avec un Kiedis en grande forme), et tous les deux laissent court à une créativité qui fait plaisir à entendre, sans jamais tomber dans la virtuosité clinquante.
Derrière eux, Chad Smith cogne comme une brute sur les funkeries tressautantes (Around the world) et les raps saccadés (Get on top), et sait se faire subtil sur la série de somptueuses ballades présentes ici. Sans avoir calqué la formule d’Under the bridge, Anthony Kiedis a renoué avec le style introspectif du premier méga-succès de son combo, le poussant plus avant, ouvrant son cœur pour écrire ses paroles les plus matures, abouties et intrigantes à ce jour. On a parfois l’impression de lire son journal intime, tant il s’y révèle. Ou fait semblant de le faire… On frissonne en percevant la noirceur maquillée de surréalisme étalée dans Otherside, la violence et le sang de Scar tissue, le désespoir vain de Porcelain. L’ironie et la cruauté de Californication -la pourriture et la grandeur d’Hollywood mises en musique- feront sourire jaune. Les sales mômes ont grandi et survécu aux épreuves. Et ont enfin compris qu’à eux quatre, par leurs seuls talents ajoutés et démultipliés, ils détenaient la formule magique pour toucher au génie.