+ Les caractères de la danse ; Le tombeau de M. de Lully.
Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (1993).


La dernière livraison de la collection éco d’Erato nous laisse encore tout pantelant : quelques rééditions miraculeuses, en effet, comme ces Métaboles de Dutilleux par un Munch comme toujours furibard (partition et interprétation essentielles), de délicieuses Scènes alsaciennes de Massenet par le jeune Gardiner (œuvre marginale, mais chef magistral), ou le Requiem de Biber par Koopman, sans concurrence. Et surtout, ces Elémens déchaînés par le très jeune Minkowski, révélant un compositeur trop longtemps éclipsé par les Lully (son maître, à qui il dédia le Tombeau), Delalande (son beauf’) et autres Couperin, Jean-Féry Rebel le bien-nommé.

L’œuvre a exactement 250 ans : à ceux qui n’ont jamais entendu une seule note de musique classique de leur vie, ou qui ne jureraient que par les Nyman, Glass et tutti quanti, qu’ils écoutent seulement les 6’30 du « Cahos » initial. Ca tonne, ça craque, ça pète, ça pétarade… et c’est ce qu’on appelle de la musique baroque ! Un choc, en vérité (alors, vous imaginez, à Versailles, en 1737 !), amplifié par le geste sans appel du chef français : enregistrement-phare dans une discographie (et un parcours) où l’on guetterait de toute façon en vain quelque dissonance. En quinze petites années, le fondateur des Musiciens du Louvre a exhumé et ranimé des pans entiers du paysage musical du XVIIIe : ici, comme chez Rameau, Handel, Gluck, Mondonville*…, la déferlante Minkowski balaie tout sur son passage. Reinhard Goebel (Archiv) sera un concurrent tout aussi tonitruant mais moins évidemment musical -on chipote ! L’un et l’autre sont indispensables, mais celui-là, à ce prix-là, s’impose à tous. Des baroqueux impénitents aux accros de techno, qui trouveront un maître (un précurseur ?) insoupçonné en Rebel.

Stéphane Grant


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A paraître, en juin, six sonates inédites de l’un des plus grands compositeurs du « Concert Spirituel » (Archiv).