Sean Archer (Travolta) est à la tête d’une brigade anti-terroriste. Depuis ces six dernières années, néanmoins, il serait plutôt spécialisé dans la lutte anti-Castor Troy (Cage). Pour la simple et chienne raison que son fils écopa de la bastos en plein coeur que cette super terreur de terroriste lui destinait. La rivalité entre les deux hommes tourne alors à l’obsession kamikaze. Une course-poursuite à l’aéoroport de Los Angeles aboutit au face à face. Castor reste sur le carreau dans un coma irréversible. Pollux, son frangin artificier, est envoyé dans un placard haute-sécurité. Lui seul sait encore où leur dernière bombe est planquée. Vient alors le Volte/face. La solution chirurgicale pour faire causer le frangin. Le vol de face et d’identité qui fait d’Archer le sosie parfait de Castor. Et le réveil de ce dernier qui s’empresse à son tour de chourrer le visage de son flic préféré. Raconter la suite « désuspenserait » radicalement le film. Contentez-vous de savoir que l’intrigue est tendue comme un arc de chasse, toujours prête à décocher de cinglantes idées-flèches. Que personne n’est épargné par la sadicité du récit. Et de vous rappeler que l’authenticité woodique est pure dynamique. C’est la vigueur contre la rigueur. L’image, le mouvement, l’espace contre le temps, le nombre et la rationalité. En ça, John demeure Woo. L’Orient subsite en occidentalisme.

Volte/face est une bouteille d’oxygène pure. On respire enfin. On reprend son souffle que Woo ait bel et bien reprit le sien. Qu’il retrouve ses marques aux Etats-Unis et rentre dans son style et sa mythologie. Un ciné maniaquement ballistique. Un lieu de flamboyance gestuelle, de symphonie mortelle chargé de rituels et de symboles flinguants. Woo est l’anti-cynique par excellence. Il met du palpitant à l’ouvrage. Du coeur, au sens vital, brutal, sanglant et non universel et désincarné. Un coeur à l’antique greffé sur un scénar’ sophistiqué, voilà le postulat de Volte/face. Woo se l’approprie à bras-le-corps comme s’il était de sa famille. Long duel homérique, le film réalise le calvaire ultime : les duellistes se retrouvent dans la peau l’un de l’autre. Ils arborent les traits de l’être abhorré, font l’épreuve du type de vie qu’ils réprouvent par dessus tout. Et qu’ils pourraient très bien envier, en fait… Woo file ici au script une acuité surprenante. Car dans ses gunfights hyperboliques se réfléchit un sacré sens de la condition, la malédiction humaine : le refoulement infini et la sublimation indéfinie de notre bestialité. Cage et Travolta, admirables, crèvent l’écran de part en part. John Woo, le pêchu pécheur, est un miraculé ; son film un putain de miracle. Une balle dans la tête si vous n’êtes pas emballés.