Pour son second opus, Kieda Brewer alias Rasco, moitié des Cali Agents (l’autre moitié étant Planet Asia), a mis de côté la fructueuse collaboration avec Peanut Butter Wolf, de laquelle avait jailli en 1996 l’incontournable maxi The Unassisted produit par Fanatik, suivi de Time waits for no man, un impeccable premier album produit par Peanut, Kutmasta Kurt et Evidence. Le bonhomme lâche aujourd’hui ses rimes pour Copasetik, un label londonien qui en dépit de sa jeunesse (fondé en 1998), possède dans son répertoire quelques références honorables, notamment plusieurs opus de Peanut himself, ainsi que les expérimentations de Dr Dooom (Kool Keith) ou des Allemands de Terranova. Si l’album précédent dressait le portrait d’un rappeur imposant au flow sinistre, Hostile environment enfonce le clou. Après une intro en forme de déménagement sonore, ciselée de scratchs façon artillerie lourde, Rasco lâche son flot rêche et tranchant qui ruine les artifices et envoie balader les gimmicks faciles dans le champ des platitudes commerciales à deux sous. Sa diction droite et sans fioritures accroche les mélodies pour les transposer au cœur de l’univers oppressant qui habite chacun de ses mots, imprimant aux joyeuses flûtes de This is it y’all une tonalité soudainement dure, douloureuse presque. Il y a dans les mots de Rasco quelque chose de sombre, une colère froide et étrangement calme, qui fait l’économie des phases grandiloquentes pour résumer ses émotions en quelques formules à base de vocabulaire précis et efficace : « Show them that black folks ain’t all about jokes/Nothing is Guaranteed/We all got needs » (No guarantees). Mais l’artiste sait aussi sourire quand le beat le nécessite et promet, dès l’intro du très funky The jamm, qu’il « will keep you jumpin’ like it’s 1985 », confirmant en quelques titres les talents esquissés précédemment.

Lignes mélodiques impeccables, beats propres et carrés sans être trop secs, le tout soutenu par des basses minimalistes, la production respire le savoir-faire de producteurs incontournables : Memo et His-Panik de la clique des Molemen, DJ Khalil, compère de Chace Infinite au sein du Self-Scientific, et Protest qui impose en trois titres ses mélodies légères, qui ne sont pas sans rappeler celles qu’il posait quelques mois plus tôt sur le Craft Classic du compère Azeem. Originaux sans être forcément révolutionnaires, les beats s’accommodent fort bien des fantaisies de His-Panik qui se plaît à décaler des cloches de cymbales obsédantes sur No guarantees, ou encore des guitares funky entrecoupées de pointes cuivrées que Protest colle sur The Jamm. On notera une apparition plus qu’anecdotique de J-Rawls, qui lâche ici un interlude de 20 secondes !

Au niveau des featurings, Rasco n’a pas choisi d’en mettre plein la vue. Trônent à ses côtés, Reks et Ed O.G (sans ses Bulldogs) pour un remix de Gunz still hot sur un beat à la Molemen mêlant un gémissement soul lointain à des volutes de cordes un rien trafiquées. Impeccable. On retiendra aussi le Who woulda thought sur lequel les flows entremêlés de Rasco et El Da Sensei collent à un riddim de charleston acoustique qui se répand en doubles croches fluides, rapides et précises, baignées d’un sample façon film de kung-fu plutôt discret. Reste What y’all want, sur laquelle les deux Cali Agents flanqués de 427 se débattent, englués dans une composition fade et sans ampleur pondue par un Roddy Rod qu’on a connu plus en forme. Etrange et inutile conclusion d’un album pourtant solide, ce dernier titre a du mal à coller avec le reste d’une production homogène et qui se plaisait quelques titres plus haut, à jeter par-dessus bord poncifs mélodiques et facilités rythmiques.