Un album court (six titres, vingt-trois minutes) de Prinzhorn Dance School, c’est d’abord un album sans ces silences et trous d’air qui faisaient de ses deux prédécesseurs autre chose que des artefacts post-punk légèrement anachroniques, pour les transformer en objets revêches et mystérieux. Est-ce à dire qu’à ce Home Economics manque l’attrait malaisé desdits objets ? Heureusement non. Si ce troisième disque est de loin leur plus amène, Tobin Prinz et Suzi Horn gardent le rebrousse-poil comme ligne de conduite.

Ainsi Reign, qui ouvre l’album, voit son élan catchy régulièrement bridé par une rupture rythmique à la fois discrète et martiale qui, tout en plombant ses semelles, donne des ailes au corps frêle de la chanson. Autant que le chaud et le froid, il s’agit ici de souffler le lourd et le léger.

Un effet « douche écossaise » qui se retrouve plus ou moins dans le déroulé des titres, alternant morceaux accrocheurs et compositions plus austères – comme ce Battlefield dépouillé, no man’s land mélodique traversé de stratégies guerrières et pourtant étrangement magnétique.

C’est la tension qui sans cesse anime Home Economics: tension induite par ces lignes de basses minimales et obsédantes, par ces guitares à l’os, par ces deux voix dont la complémentarité n’a jamais été aussi exploitée que de part et d’autre de ce disque, où elles se livrent (comme, justement, la basse et la guitare avec la batterie qui compte les points) à une guerre de position. Une guerre monochrome: un jeu de go.

On a l’impression, comme souvent avec Prinzhorn et cette fois peut-être plus encore, de découvrir des morceaux inédits des Young Marble Giants (exemplairement, Clean) et/ou des Vaselines, soit un groupe qui vingt-cinq ans plus tôt aurait figuré à coup sûr dans une toplist du journal intime du jeune Kurt Cobain. Mais Prinzhorn Dance School démontre surtout qu’elle fait partie des rares formations à proposer un post-punk à la fois canonique et pertinemment contemporain, cousin en effronterie des débuts de These New Puritans. Si Tobin et Suzi ont pris peu ou prou le chemin inverse de ces derniers, en allant vers une efficacité plus directe et en délaissant la pure invention de formes, il ne faudrait pas oublier qu’ils avaient accouché d’un tube, You are the Space Invader, dès leur premier LP.

https://www.youtube.com/watch?v=RoZKb-pmNm8

Pour la première fois avec Home Economics, le duo ne perd jamais en cours de route cette intensité, et s’autorise même à séduire ouvertement. Derrière sa fuite – toute relative – de l’austérité pour l’austérité, cet album faussement miniature apporte la preuve que Prinzhorn Dance School a grandement eu raison d’y aller à l’économie.