Dès ses premiers travaux en 93, sur le label anglais Howl Records, Pram s’est révélé être l’une des formations rock les plus imaginatives de ces dernières années. Voilà un groupe qui, bien que peu célèbre, a sans doute influencé Stereolab, Mira Calix, ou encore Broadcast… Mais s’il n’a jamais beaucoup vendu, c’est peut-être parce que son style hybride ne correspond à aucun schéma classique (c’est-à-dire, à aucune attente du grand public). Pram distille une musique qui ne laisse aucun point de repère à l’auditeur. Une musique pour curieux, regorgeant de détails subtils, de cliquetis magiques et scintillants. D’un disque à l’autre, le groupe a toujours su s’essayer à de nouveaux styles en gardant une touche et un son très personnels. A l’image des premiers albums (sortes de disques conceptuels, nous faisant voyager dans des contrées imaginaires), il explore des terrains inconnus dont il nous traduit ses souvenirs, en musique.
C’est encore le cas avec Somniloquy. Après être revenus des mondes aquatiques, de l’hyperespace, des banquises enneigées ou encore du grenier de leurs grand-mères, les membres de Pram nous présentent aujourd’hui un univers plus inquiétant. Comme le suggère la magnifique pochette du disque, ce nouvel album aborde un monde fantomatique. Dès l’introduction (Mother of pearl), les lignes de synthé résonnent froidement : on oublie les atmosphères joyeuses de Sargasso sea ou… Stay as you are. Après le Pays des merveilles, Pram explore aujourd’hui le Alice de Jan Svankmajer : un endroit enfantin et malsain, hanté par de minuscules spectres muets. Dès le second titre, The Way of the Mongoose, les parties de scie musicale et les synthés vieillots font référence aux bandes-son de films d’horreur américains des années 50. Mais leur musique est trop chaleureuse et teintée d’humour pour tomber dans le lugubre. Sur Clock without hands -peut-être leur plus beau morceau à ce jour-, les sons d’horloge et l’orgue mélancolique nous transportent dans une vieille maison poussiéreuse remplie de fantômes tristes, qui se déplacent discrètement en dégageant d’agréables sons de théremin… Un magnifique final pour la première partie de l’album.
Le second volet de Somniloquy est relativement différent, mais s’intègre tout à fait à la logique de l’album. Il s’agit d’anciens morceaux remixés en des versions électroniques. Ces titres désincarnés et animés par des rythmiques frigorifiques (signées Balky Mule, Plone ou Terry:Funken) sont tout aussi fantomatiques, mais cette fois-ci d’un point de vue technique. Adieu les doux rythmes de batterie aux relents jazzy, les paisibles synthés analogiques feutrés ; leurs compos sont maintenant reformatées à coups de sonorités robotiques… On retiendra notamment A Million bubbles burst (Sir Real remix), où la magnifique ligne de chant se noie dans une profonde reverb et des beats violents. Comme si Pram se transformait à son tour en apparition, de moins en moins palpable derrière les manipulations et les déconstructions électroniques.