Le phénomène de surproduction en matière de musique électronique prend des ampleurs de plus en plus atterrantes. Pas un jour sans que débarque dans les rayons déjà trop fournis des disquaires consciencieux un énième album anonyme, une pochette trop cheap pour être honnête, une autoproduction aux limites de l’indécence musicale. Les gros labels s’effaçant au profit du tout commercial, plus aucun filtre donc entre le musicien -ce génie insoupçonné- et l’auditeur. Dommage car, à trop vouloir produire, la musique électronique se perd dans les méandres de la saturation et inflige un travail trop lourd à l’amateur pas toujours bien éclairé. Désormais, comment ne pas s’égarer ? Restent quelques labels, à l’image de marque parfois surestimée, mais qui garantissent une qualité minimale, une esthétique testée et approuvée.

Paloma, jeune projet teuton, ne fait évidemment pas partie de ces noms déjà connus de l’electronica. Sorti sur un minuscule label de Cologne (Mehrwert Records, éditeur d’un très inconnu Frank Martiniq), le duo de Hanno Leichtmann et Johannes Strobl ne donne pas dans le all-star. Issus de l’école Jazzanova (Mermaid Records et l’école autrichienne), on retrouve les deux compères dans un exercice de style différent de leurs précédentes expériences. Exit cette fois la facilité mélodique des scènes electro-jazz, séduisantes mais rapidement ennuyeuses, pour un virage radical vers une electronica façon papier peint musical. L’option ambient, assumée de bout en bout, se voit ici enrichie d’un travail original sur la mise en espace des drones et autres scories proto-électro qui flottent, éthérées, dans l’espace désertique de cette new music for airports. Du Eno relooké 90’s ? Au rayon référentiel, ne surtout pas oublier toute l’école allemande qui confère à ce post(kraut)rock très électronique une propension toute particulière à construire les morceaux dans la longueur, à sacrifier l’anecdotique pour un travail harmonique et mélodique de long terme. Scrollant à tout va dans les éléments disparates de ce design acoustique et musical d’intérieur, les deux esthètes intègrent de façon surprenante une certaine tradition du live électronique, laissant la part belle aux improvisations et autres événements chaotiques qui viennent chambouler leur univers parfois trop propret. Le résultat en est changeant, presque claudiquant, et confère à ce chant des machines une nouvelle dimension extra-humaine, touchante dans ses imperfections.