« Une échelle de soie a pu enfin être jetée d’un monde des songes à l’autre… » (A. Breton à propos de Molinier.) Jet sounds de Nicola Conte renvoie la musique à un jeu de miroirs infinis où s’interpénètrent références musicale sixties (samba, jazz, exotica, jerks hallucinogènes) et univers cinématographiques invisibles. Jet sounds n’est pas un nouvel opus cinématique publié dans les sillons neurasthéniques de Portishead ou de Goldfrapp. Grand organisateur des rêves en Technicolor, Nicola Conte nous plonge dans la bande-son d’un sequel psychotique de Casino Royale, réalisé par Jess Franco et interprété par Alberto Sordi, avec ses inévitables scènes cultes de sexe et d’action : amour sous LSD dans un appartement surplombant la baie de Rio, courses-poursuites en coupé Dino dans les ruelles d’Istanbul, etc. Une telle BO, si elle existait, figurerait sur un bon millier de want-lists et coûterait £100 pour à peine plus de deux titres capables d’enflammer les pistes. Nicola Conte, producteur et DJ italien, connaît bien ce blues du collectionneur de vinyles. La BO idéale n’existe pas, il faut l’inventer, sous l’ombre tutélaire des maîtres du genre : Peter Thomas, Hugo Montenegro, Piero Piccioni, Riz Ortalani, etc. Exercice difficile qui tourne souvent au sampling parodique ou au coup de maître sans lendemain (Indian Vibes de la Yellow). Nicola Conte a évité ces deux écueils avec brio. Jet sounds aligne 13 titres originaux avec une rare élégance. La participation de musiciens confère à cet album une spontanéité qui aurait été impossible à atteindre avec des machines. Tout y est, du jazz pour fumeur de gitanes nouvelle vague à l’extase d’une sexadelic dance party. Dans cette orgie stéréophonique, se télescopent orgues nocturnes, sitars vaporeux, bongos sensuels, vibraphones abstraits et les mélopées hypnotiques de Paola Arnesano, chantée à la façon d’Edda Dell’Orso.

Pour la plupart déjà sortis en maxis (Bossa per due, Missione a Bombay, Jazz pour Dadine, Forma 2000), les 13 titres de Jet sounds reprennent la substance des compilations Beat at Cinecittà et Jazz Exotica, en leur ajoutant une orientation résolument dancefloor grâce à une production électronique infinitésimale terriblement efficace. Mais avec un album aussi parfait, Nicola Conte n’a-t-il pas épuisé son sujet ?