Flash-back : nous sommes en 2004, au festival belge de Dour. Dans le public règne une tension palpable comme si on attendait le messie ; ou Radiohead. Mais c’est Mud Flow, un trio du coin qui déboule et, allez savoir pourquoi, c’est tout comme. La claque. Quel plaisir de les sentir si grands. Quel plaisir de se sentir si petit. Balayé par Sigur Ros et Muse réunis.

Pourquoi je vous raconte ça ? Pourquoi tant de nostalgie ? Parce qu’aujourd’hui tout cela est bel et bien passé. Avec son quatrième album, Mud Flow dit bye bye au rock et peut-être bien bye bye tout court. En France, presque personne ne les aura connu au moment de leur apogée, quand ils avaient les crocs et sortaient A Life on standby, un troisième album en forme de Graal spleen-rock. Avec un tel disque, les mecs avaient mis en émoi la sphère indie rock pour qui la mélancolie est une religion en soi. C’est dire si le prochain Mud Flow était attendu au tournant. Savoir que celui-ci est un album de transition avant une éventuelle réorientation folk change la donne. Mais se retrouve-t-on pour autant à tirer sur une ambulance ? Non parce que cet album est bon. Certes, le quatuor de Vincent Liben ne réitère pas le coup d’éclat d’A Life on standby, mais en s’ouvrant à des teintes plus joyeuses et colorées – comme Coldplay dirais-je, si la seule mention de ce groupe ne faisait pas vomir les fans d’indie rock -, Mud Flow lance d’habiles perspectives pour la suite dont plusieurs ne manquent pas de faire mouche immédiatement. Les 8 minutes de My fair lady Audrey ouvrent les festivités sur un air de déjà vu particulièrement jouissif, puisqu’on retrouve intact le poison mélodique inoculé il y a quatre ans : ces atmosphères ultra souples qui oscillent sans cesse entre rage et tristesse et que développe aussi The Number one play of the year. C’est après que ça se corse en se décorsetant.

Parce qu’alors Mud Flow ose l’hédonisme : In times, très rock, finit par déballer une pluie de « lalala ». Trampoline fait vriller deux guitares noise avant de lâcher une double fanfare funkisante. Monkey doll sort ukulélé et choeurs « wop pidou » après une intro qu’on jurerait sortie du chapeau d’I’m From Barcelona. Waltz 1 est bien une valse… « J’aurais beau vieillir, je n’abandonnerai pas. Mais si cela m’arrivait, secoue-moi. Rappelle moi qu’un jour j’ai été jeune, qu’un jour j’ai été cool, qu’un jour j’ai été moi », chante Thom Yorke sur A Reminder. Allez savoir pourquoi, Ryunosuke de Mud Flow me ramène intimement à ce morceau. Et quel plaisir, plus grand, de se sentir encore balayé comme ça.