Fazil Say (piano)

Un mot, d’abord, sur l’énorme campagne marketing que Warner a déployée ces dernières semaines pour lancer son jeune Turc de pianiste. N’en déplaise à certains -pas à nous, quand le jeu (et ici, quel jeu ! fantasque, ébouriffant, on y revient) en vaut la chandelle-, le classique a définitivement adopté les lois de la communication en vigueur dans des créneaux plus « grand public » : tant mieux, à nouveau, quand le ramage se rapporte au plumage, ce qui n’est pas, loin s’en faut, toujours le cas…
Mais Fazil Say ! Si l’on osait -osons !-, on évoquerait, à titre d’illustre comparaison, le choc que durent ressentir nos aînés, entendant, en 55, les Goldberg de Gould… Même technique, même conversation avec l’instrument… Bref, vous dire que Say ressuscite Mozart est encore faible : c’est simplement Mozart que l’on croit entendre au piano, pavant chaque note, chaque accord, d’une intention, d’une couleur, d’une personnalité inouïes (et dé-concertantes, cela va de pair). Ce n’est pas toujours très propre -tout le programme a été exécuté et retranscrit dans les conditions du quasi live-, mais tellement vivant, libre de toute ombre tutélaire, comme si l’on jouait ces oeuvres-là pour la première fois. Finale échevelé avec… l’Alla turca (!), la boucle est bouclée, et Say, musicien jouissif, entre d’emblée dans la cour des très grands -la meilleure nouvelle au piano depuis Pogorelich. Prochain disque : Bach… Gould, vous disait-on ?

Stéphane Grant