On ne l’attendait plus, le retour de la cutie pop. Dans les années 90, ils étaient nombreux à porter des badges Scoubidou, à manger des fraises Tagada et à écouter Heavenly ou la J-Pop la plus sucrée. Les filles habillées rose et vert pomme, les garçons en tee-shirts colorés rayés à l’horizontale, le tout arborant tétines et sourires éternels. Régressive et jouissive, la cutie-pop s’inspirait des sixties (tendance Beach Boys et marquée Shaggs) et de l’enfance sous toutes ses coutures (télévisuelle Casimir, gustative Haribo, littéraire Fantômette) : on avait la pop Anorak, les Car en Sac et les Necklace Girls. On était bien car on ne vieillirait pas (une autre sorte de « no future »). Certains ne s’en sont pas remis(es), tournant en boucle la B.O. de Goldorak dans leur mange-disque tout rouge, les autres ont découvert New Order et Manchester, avalant bien vite d’autres pilules.

Monsieur Mo Rio ressuscite cette époque bénie (Oui-Oui) sur un disque psychédélique et lo-fi, renouant avec Mr Quark (remember le single Enjoy Nuoc man ?), les premiers Katerine (Jeanie Longo), les premiers Little Rabbits (leur reprise de La Mer du Jazz Butcher) et tout ce qu’il y avait de bien dans les 60’s, du soft rock de The Free Design ou Sagittarius à la pop orchestrée de Left Banke, Beatles et consorts. Chantant faux, osant des harmonies grinçantes, oubliant le click du métronome, posant cors de chasse, flûtes traversières, trompettes et choeurs en cascades : « Je dis au revoir à la tristesse / Je dis bonjour à l’ivresse ». Fraîchement anecdotique et gentil, entre Etienne Charry cheap et n’importe quoi. Régressif jusqu’aux fautes volontaires de syntaxe élémentaire : « Je ne veux pas que tu t’en vas ». Un disque ambitieux dans son hors-propos bébête, tellement décalé que c’en est trop, Ovni (oui oui).

Dans la même maison (le label italien S.H.A.D.O.), on préférera quand même la compilation Ragazza pop, qui ne paie pas de mine avec sa pochette pop-art à deux centimes d’euros, mais qui cache quelques perles au féminin. Sous l’égide tranquille de la batteuse de fûts du Velvet Underground, Moe Tucker (sa belle voix fausse d’éternelle adolescente se pose sur pas moins de trois titres intemporels, dont une reprise du classique de Phil Spector, To know hi mis to love him), Ragazza pop propose 22 chansons pop-garage, alternant son pourri lo-fi et ambitions pop(ulaires), le tout fredonné par des filles. Un peu de Shocking Blue, un peu de Stereototal, entre Swinging Mademoiselle et Barbarella, ce disque fait l’éloge de l’amateurisme et de la spontanéité, reprenant le travail exhaustif abandonné par le label Bungalow (qui su en son temps produire les meilleures compilations pop européennes). Quelques obscures figures japonaises (Instant Cafe Records, Three Berry Icecream) côtoient pop-girls germaniques (Die Moulinettes) ou françaises (Souvenir, April March), tout ce petit monde restant cependant indéterminé géographiquement, simplement marqué par l’usage simpliste et décomplexé de la mélodie, indispensable ingrédient de la chanson pop. Madeleines de Proust aux qualités anamnésiques de qualités variables, ces chansonnettes sont autant de maisonnettes rétro mais pas trop, ni bêtes ni prétentieuses. Sympa.