Intrigués par ce curieux acronyme -MMW- (avec un Bedeski, on aurait frôlé la concurrence déloyale vis-à-vis de la célèbre marque de tanks germaniques laqués-métallisés-climatisés), nous écoutions attentivement il y de cela quelques semaines, le précédent opus de ce trio piano-basse-batterie. L’ensemble s’avérait assez lointain des musiques improvisées que nous affectionnons en général et du jazz que nous adorons en particulier. On avait affaire à des programmateurs méticuleux tout à leurs engins, qui, en boucle, nous délivraient des riffs entraînants sans toutefois parvenir à jamais boucler ladite boucle.

On vogue dans des cieux autrement plus bleus avec le bien-nommé Tonic, d’après le nom du club new-yorkais dans lequel la formation a livré son premier live. Le groupe, créé à l’orée des années 90, qui fit ses débuts à la Knitting Factory, réalise ici une excellente prestation courant 1999. De quelle musique s’agit-il ? A en croire la pétition de principe délivrée par Medeski himself, il s’agirait de ramener sur terre la musique improvisée afin de permettre au jeune public (« Jean-Jérôme peux-tu lâcher ton tamagoshi deux minutes et écouter, espèce de p’tit trouduc ! ») d’en jouir tout à loisir. On s’attend alors au pire et par exemple à des arrangements mongoloïdes de Giant steps ou So what revus par Les Musclés ou par un Ronny Jordan fin cuité. Or le présent bijou est tout sauf une simplification, un ersatz de musique. La première force du trio repose sur un choix de thèmes et d’arrangements efficaces qui prennent tout leur relief grâce aux trouvailles rythmiques puisées dans la soul ou le funk, à travers une cohésion et une énergie rythmique qui ne faiblissent pas, mais aussi dans les incursions free du groupe. On trouve par exemple une reprise d’un très joli thème de Lee Morgan, Afrique, un superbe arrangement avec mouvement de basse magique sur le Your Lady de Coltrane (arrangé par B. Moses). Témoin également l’excellent Seven deadlies où, à côté de la batterie de l’intro qui reprend des plans jungle, on trouve une basse funky évoquant les meilleurs moments d’un Lalo Shiffrin (façon bande-son de Bullit par exemple). Toute une époque quoi ! L’énergique Medeski est autant inspiré par Bobby Timmons, Cécil Taylort ou Joachim Kuhn pour l’autorité et la liberté débridée qu’il insuffle que par le maître d’entre les maîtres, Bud Powell à qui il rend hommage sur le classique redécouvert Buster rides again. Mais comment trouver le sommeil avant d’écouter le prochain volume ?