Depuis sa mort en 1992, l’œuvre de Maurice Ohana continue de s’affirmer comme une des premières de notre temps. A la manière de l’autre grand compositeur indépendant, Henri Dutilleux, il montre que la génération mythique, née dans les années vingt, a produit des artistes de toutes tendances. Quelle équipe de compositeurs ! D’abord, il y a la bande : le Français Boulez, les Italiens Bério et Nono, l’Allemand Stockhausen, les Hongrois Ligeti et Kurtag. Enfin totalement indifférent aux principes Schoenbergiens : Iannis Xenakis. Rajoutez les travaux de Lutoslawski et de Kagel… Qui prendra le plus de place dans l’histoire ?

Si elle n’a pas été aussi reconnue de son vivant, l’œuvre de Maurice Ohana semble s’affirmer aujourd’hui. Son vocabulaire tout à fait pragmatique, sa syntaxe et sa grammaire toutes personnelles la rendent populaire auprès des musiciens. Ce sont eux qui choisissent de jouer les préludes et les études pour le piano de part le monde, et qui ont fait le succès de l’opéra La Célestine.
Quelle est l’importance de ses origines ibériques et nord-africaines dans la composition de l’Office des oracles ? Les oppositions violentes, la rudesse ainsi que l’utilisation des micro intervalles donnent quelques éléments de réponse. Plus encore, cette fresque musicale de 45 minutes puise son inspiration dans la musique antique et dans les techniques de « psalmodisation » grégorienne.

Précisons enfin que l’Office des oracles est une des grandes découvertes de l’automne. Moment jubilatoire qui montre comment Ohana ne s’est jamais arrêté, au cours de sa carrière de compositeur, au dogmatisme d’un langage donné. Au cœur de la ferveur humaine, depuis les chants grégoriens jusqu’aux rythmes populaires, il réconcilie musique liturgique et sens dramatique. Ohana obtient des trois chœurs des sonorités inouïes grâce à de longues phrases tenues, enchevêtrées, anoblies par une orchestration efficace. Les percussions se glissent ou soulignent, protagonistes du véritable drame qui se joue. Une jubilation, admirablement rendue par Roland Hayrabedian, à la tête de l’ensemble qu’il a créé il y a 12 ans : Musicatreize. On espère entendre avec une même réussite d’autres œuvres chorales d’Ohana tels Lys et madrigaux pour chœur de femmes et ensemble instrumental ou le plus récent Tombeau de Louise Labé.