On imagine bien les créateurs de cet opus onirique comme deux sélénites aux commandes de synthés futuristes et de machines scintillantes. Des musiciens lunaires qui s’appliquent méthodiquement à émailler leurs sons d’ambiances sonores enchanteresses, tout en alliant à la perfection dialogues cinématographiques et mélodies entraînantes. D’entrée de jeu, ces compositeurs imaginatifs nous livrent un premier morceau transcendant, Last Saturday, qui annonce la couleur… Ou plutôt les couleurs… Des couleurs intemporelles, dont le traitement quasi magique des samples de voix (on notera surtout le sample parfait de la voix d’un Nosferatu-Kinski torturé dans le premier titre) amplifie le côté atmosphérique d’un travail d’orfèvres.

Ce tandem electro antibois transcrit très finement un onirisme exacerbé, en exposant remarquablement maintes rencontres entre sons délicats, voix humaines samplées et timbres d’instruments… M83 déborde de pulsions créatrices qui proviennent d’ailleurs. Probablement d’un univers sans frontières. On pense bien sûr aux premiers travaux de Tangerine Dream (I’m happy, She said) ou à la douceur de certains instrumentaux de Micro:Mega (She stands up, My face). Mais il n’est pas seulement question de calme et de légèreté dans ce recueil de pièces musicales constellées. Ce premier album permet de temps à autre d’entrevoir la face cachée de l’astre de ces deux musiciens inspirés, qui doivent sûrement apprécier les productions de Kevin Shields. A certains moments (Facing that), le disque se rapproche des très bonnes compositions de David Holmes ; notamment celles présentes sur la BO du film Out of sight de Steven Soderbergh. Mais le vaisseau musical de ces nouveaux venus apporte bien plus que de simples rêveries de promeneurs solitaires. C’est une escapade bourrée de mélodies stylisées, dont la chaleur communicative est transpercée çà et là de chemins sombres et mélancoliques (Violet tree, Staring at me…). Une excursion créative à l’enchantement assez troublant, qui, par ses ambiances euphorisantes et ses passages énigmatiques, fera sûrement vaciller d’émotion nombre de rêveurs…

Quelle que soit leur planète, les M83 se doivent de continuer dans cette direction, toujours plus haut vers l’empyrée. Ils n’ont pas à s’excuser pour embrasser le ciel. Ils le touchent de leurs doigts agiles, le personnifient même parfois. C’est sûrement cette étrange connivence avec la galaxie qui leur a permis de fournir un album -dont les deux titres cachés confirment l’univers si particulier- aussi riche en émotions. Le style de disque que l’on place dans sa stéréo ou dans son walkman en oubliant cette planète habitée par l’homme. En espérant que les étoiles vont surgir de partout, y compris de nos oreilles.