La scène garage française n’en finit plus de faire sa mue, et tandis que les têtes de gondole J.C. Satan et Catholic Spray connaissent leur quart d’heure (mérité) de gloire médiatique, l’agitation est de mise en coulisses, où il apparaît un projet passionnant par semaine. Reflet de cette créativité, le super-groupe bordelais Lonely Walk a sorti pas moins de 4 EP entre mars et septembre 2012, avant cet album douze titres entièrement inédit qui paraît sur Satanic Royalty, un label tout neuf, lui aussi. Composé de cinq membres dont Mickaël  » Monsieur Crâne  » Appollinaire, leader des Crane Angels – une chorale sunshine-pop qui comprend trois membres de J.C. Satan – et Johan Gustafsson, lui-même à la tête de Black Bug – dont le très recommandable album d’électro-punk Reflecting the Light a paru l’année dernière chez Eighteen Records – le groupe apparaît comme la fusion de ses deux têtes pensantes, sorte de cold-wave indus et pop, ou de punk électro-psyché, au choix, soit quelque chose de tout à fait dans l’air du temps, qui colle au goût de l’époque avec un sens rare de l’à-propos, faisant immédiatement de Lonely Walk notre groupe préféré, à compter de maintenant et jusqu’au prochain Feeling Of Love.


L’album n’a pas encore commencé que s’élève le cri déchirant d’une machine en train de rendre l’âme, dessinant un paysage mental à mi-chemin de la Ruhr et de Macclesfield : le fantôme de Warsaw n’est d’ailleurs jamais loin, et c’est sa danse folle avec ceux de Suicide et Jesus and Mary Chain qui compose le rituel d’initiation glaçant de cet incroyable premier morceau, New Shit, dont les synthés obsédants semblent scander un bad trip horrifique et interminable. Enfin du shoegaze ! s’exclame-t-on, du vrai, furieux, malsain, élégiaque, pas comme le pétard mouillé de Kevin Shields et sa bande – ce MBV qui ne se juge sans doute pas à la première écoute, mais qu’il est hors de question d’entendre une seconde fois… On se dit alors que l’on est sur des rails mais, surprise,  » Halloween Seventeen  » bascule dans l’électro cradingue, de cette techno langoureuse et lo-fi qui fait les beaux jours de Scorpion Violente… Talking to You, ballade déchirante gorgée de violons synthétiques et qui reste en tête une bonne semaine, nous rappelle alors les ambitions mélodiques du groupe, peu inquiet d’exhaler un nuage psychédélique et baroque rapporté de Californie (Love semble une référence assumée) dans le ciel gris de sa pop industrielle.


 

La messe est dite, et Lonely Walk ne se contentera d’aucune formule, abordant chacun de ses morceaux comme un univers clos aux règles singulières : dans cette bande-son de cyberpolar contemplatif, on passe par toutes les ambiances, on adhère à toutes les visions, de l’incantatoire People Run au planant We Need a Miracle, qui offrent tous leur lot de basses ronflantes et de nappes hypnotiques. Miraculeusement, nous captons Just Ghost, complainte d’extra-terrestre désespéré, enregistrée par les derniers transistors défectueux de la Nasa plusieurs millénaires après la fin de l’humanité ; et tandis que le requiem psyché de Destroyer fait se rencontrer Ligeti et les Flaming Lips, on jurerait qu’un violon de Game Boy, au loin, nous supplie de l’achever… Quand on a acquiescé à ce kaléidoscope fou, on ne peut que se rendre : Lonely Walk a satisfait tous nos désirs. C’était dans l’air du temps, mais l’air sent très bon en ce moment.


Release party le 19 mars 2013 à Paris à la Flèche d’Or avec Egyptology + Umberto + Violence Conjugale


Le 23 mars à Bordeaux au Bootleg avec Tamara Goukassova + Harshlove + Oakland Recycles