Le « rock pétrochimique » des montréalais Georges Leningrad est un mix post-punk, electroclash, disco, expé qui fait la part belle aux improvisations bruitistes, aux criailleries primitives, dans une ambiance grand-guignol qui doit autant aux modèles Residents qu’au marketeux Daft Punk. Cachant derrière des masques variés d’esquimaux ou d’autres entités hybrides et énigmatiques les imperfections techniques d’un combo plus punk que pro, le trio (Poney, chant hystéro en retrait, Mingo, électroniques lourdes et guitares tranchantes, Bobo, batterie furieuse) s’est créé une petite renommée sur la foi d’une imagerie de carnaval et de quelques concerts débridés (ils ont tourné avec Erase Errata, The Gossip, Le Tigre, The Locust, Magas, Sonic Youth, Trans Am ou The Unicorns). Un groupe avec attitude qui manie le fond et la forme, le message et le médium avec une égale réussite.

Musicalement, Les Georges Leningrad disent produire une « musique rare et sadique ». En effet, on n’aura entendu nulle part ailleurs ces batteries de casseroles, ces basslines de fonte et ces rugissements aigus. Par ailleurs, le rock est sans doute de toute façon une musique sadique, dès lors qu’il utilise l’électricité (le fuzz et la disto) pour produire ses effets psycho-acoustiques sur les sens en éveil d’un auditeur sensible. Rien de nouveau de ce côté-là si ce n’est l’étrange complexion de tous ses éléments juxtaposés, les guitares, les beats et les voix proposant un electro-garage-art-rock multiple et barré, échappé d’asile, libéré et chamane, post-moderne (somme d’influences) et énergétique (punk). La voix lointaine, filtrée, martelant d’incompréhensibles lyrics, musicale plus que signifiante, se pose sur des couches de bruits et de fureur, le tout rappelant un monde enfantin (ces gens se déguisent et jouent) un peu perturbé.

Si l’ordinaire des Georges évoque les Residents, les Flying Lizards, DNA ou encore Cabaret Voltaire, Nebraska’s valentine rappelle Miss Kittin et le tube Supa Doopa a été remixé par un autre montréalais, plus porté sur la house, Akufen, ainsi que par Magas, autre électronicien clubbing : la musique des Georges Leningrad, c’est assez nouveau, se danse donc très bien, et on attend avec impatience les concerts prochains pour fixer l’entité montréalaise sur le dance-floor. Leur réputation les a précédé.