Depuis deux-trois ans, on assiste en France et particulièrement sur les scènes indépendantes (labels et structures indépendants, hors majors du disque et variété française donc) à un retour du chant en français, en même temps qu’à une nouvelle et bouillonnante créativité. Depuis les années 1990, les jeunes artistes français semblaient voir dans l’exception Phoenix le modèle d’une carrière musicale réussie, et s’évertuaient à chanter en anglais, sans rencontrer pour autant le succès espéré à l’étranger (Cocoon, combien de divisions ?). Après l’émergence dans les années 2000 de labels francophones artistiquement ambitieux mais encore confidentiels (Les Disques Bien, sous influence Saravah, avec Flop, Tante Hortense, French, ou le label Le Saule avec Antoine Loyer, Léonore Boulanger, June & Jim, dans une veine folk expérimentale, lettrée et exigeante), on assiste depuis peu à un nouvel engouement public (et médiatique) pour des artistes pop, rock, folk, chantant en français sans pour autant renier la diversité de leurs influences.

De nouveaux labels apparaissent en même temps que cette nouvelle créativité française, comme La Souterraine, « collection de compilations gratuites d’artistes underground francophones, pas ou peu visibles dans les médias de masse, sans restriction de genre ni de format », qui depuis un an accueille des artistes aussi divers que Arlt, La Féline, Aquaserge, Julien Gasc, Marc Desse, Mocke, Gontard!, Chevalrex, Baptiste W. Hamon, Laetitia Sadier, Ricky Hollywood, Orso Jesenska, Barbagallo… Alors que le label sort ces jours-ci, en association avec le micro-label Objet Disque, son « ANTHOLOGIE SOUTERRAINE », le coffret 4 CDs – édition numérotée et limitée – qui regroupe les 4 premiers volumes des compilations La Souterraine parus cette année en numérique, et qu’il prépare son festival en janvier à l’Olympic à Paris, on a trois posé trois questions à Laurent Bajon et Benjamin Caschera, fondateurs du label, qui répondent à deux voix et vingt doigts. 

Pourquoi choisir des artistes exclusivement francophones ?

C’était un des postulats de départ de La Souterraine : changer d’angle de vue et mettre en valeur des groupes qui sont là « au coin de la rue », et qui chantent en français. Parce que beaucoup de groupes sont craintifs avec leur langue maternelle et pensent se simplifier la vie en chantant en anglais. Mais ainsi, se fondent bien souvent dans la masse. Le chant en français permet de se démarquer, ce n’est pas un mouvement complètement récent, mais comme on l’observait de près, on s’est dit que ce serait bien d’exposer plus, mieux, ces groupes. Et c’est devenu presque un acte politique, revendiquer une « relocalisation » de la musique pop indépendante, lutter contre l’uniformisation. « Go Local », comme on dit à Portland. On nous parle souvent de consommer de différemment, de favoriser les circuits courts, de limiter les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs, mais on le limite à l’alimentation. Pourquoi ne pas le faire pour la musique ? C’est aussi la chanson en français dont on n’a pas honte, démonter l’image ringarde et lisse de la chanson en français.

Quel est le dénominateur commun des artistes que vous choisissez, hormis la francophonie ?

La quasi totalité des artistes sur la Souterraine incarne en fait une joyeuse communauté invisible d’amateurs, dans l’acceptation la plus noble du terme. Elle dessine un réseau de connexions insoupçonnées et imprévues, au-delà des chapelles habituelles et de la frilosité qu’on ressent un peu partout ailleurs, dans la plupart des médias, chez de plus en plus de programmateurs, etc.

Les Souterrains ne rentrent pas tous dans des cases, ils sont souvent dans l’entre deux, minoritaires, hors-formats, les outsiders ; en gros, ils proposent une version libérée de la chanson française. Quand on a commencé la Souterraine, on se disait en plaisantant qu’on préparait l’archéologie du futur en temps réel : rassembler les oubliés d’aujourd’hui pour anticiper les rééditions des fameux « trésors cachés » de demain.

Comptez-vous donner une dimension plus commerciale au label, développer son économie, le rendre viable/et ou bénéficiaire ?

La Souterraine n’est pas vraiment un label, pas vraiment un média non plus (même si on a notre émission sur Radio Campus Paris). On est déjà bénéficiaire, puisqu’on n’a aucun investissement – mis à part le temps de recherche et le savoir faire. On ne vend rien, tout est en téléchargement libre. La gratuité permet de donner une valeur qui n’est pas celle du prix à nos choses, et puis on reçoit pas mal de donation. C’est de l’anti-marketing : tout est disponible, cartes sur table, vous écoutez, vous vous servez, si vous aimez, vous pouvez laisser un petit billet ou pas, personne ne vous en voudra.
Les dons sont systématiquement réinjectés dans la bête, pour payer notre graphiste (l’épatant Sébastien Trihan), fabriquer des cd promo ou financer la co-production (avec l’Objet Disque) de l’anthologie souterraine, un coffret qui regroupe les 4 vols en CD de la Souterraine.

La Souterraine fait son festival du 16 au 18 janvier à l’Olympic (10€ par soir / 25 les 3 soirs/ 40€ les 3 soires + Anthologie La Souterraine).
Vendredi 16/01 

FRANCE (Haute Loire)
MOCKE TRIO (Bruxelles)
COLOMBEY (Bruxelles / Haute Marne)

Samedi 17/01 – 19h30
AQUASERGE TRIO (Toulouse)
RHUME (Dax)
Gontard! (Valence)

Dimanche 18/01 – 19h
Arlt (Belleville)
Chevalrex (Valence)
Sourdure (Clermont-Ferrand)
Le Bâtiment (Porte d’Orléans)

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Anthologie Souterraine (4 CDs) disponible en précommande ici

Le site officiel de La Souterraine