C’est sur son propre label Funky Ass que l’inénarrable Kool Keith se livre de la façon la plus directe : sur cet album, pas de délires afro-futuristes sous la perruque en plastique du Black Elvis, pas de délire bouffon de super héros en 3D ultra-cheap à la Dr Dooom, juste un rapper et un discours cru et simple. D’ailleurs, le disque commence par un titre dont l’argument principal est « Fuck you asshole ». Kool Keith repart en croisade contre les mauvais rappers, les menteurs, les hypocrites, bref contre tout le cirque du show business hip hop à l’américaine.

Des dix-sept titres (l’homme est productif) de ce Matthew à la production minimale et efficace, quelques-uns sont de petites bombes : Live in the projects, avec son synthé analogique et sa basse grasse comme une cuisse de chaude poule ou encore Diamonds, où il mêle allègrement hip hop et électronique, rappelant les synthés Arp du Dr Patrick Gleeson sur le génial Sextant de Herbie Hanckock, sorti en 1973. Ailleurs, chaque morceau est bâti sur un simple gimmick (de piano généralement) sur lequel Kool déblatère sa rancune, ses insultes, ses accusations, dans un flow toujours aussi rapide… Et monotone.

Car voilà bien par là où ce disque pêche. Malgré quelques intermèdes amusants et évocateurs du meilleur de la Blaxploitation (Errand boy) et l’ironie habituelle du personnage (Baddest MC), l’ensemble est rapidement un peu ennuyeux. Le problème avec Kool Keith, c’est qu’une fois le morceau commencé, il ne change plus du tout. Quand vous en avez écouté les trente premières secondes, c’est comme si vous aviez écouté tout le morceau. Pas de break, pas de rupture, un flot ininterrompu se déroule. Ajoutez à cela que les thèmes abordés sont toujours les mêmes depuis un bon bout de temps (à savoir la nullité des rappers américains, mainstream ou pas) et vous comprendrez que tout ça est un peu lassant ; bien fait mais lassant.

Issu du rap du milieu des années 80 (il faisait partie des UltraMagnetic MCs), Kool Keith ne fait pas de différence entre les stars à la Jay-Z et les « vilains » à la Wu Tang Clan (I don’t believe you), sans parler des reines du R’n’B, qu’il méprise (mais dont il produit les disques pour l’argent). Ne parlons même pas de « l’underground » (Shadow, Rawkus, Wordsound, etc.) qu’il ignore royalement. C’est donc décidément lorsqu’il endosse ses costumes réminiscents de Sun Ra ou Funkadelic qu’il est le plus convaincant et que sa musique est la plus passionnante, en tout cas pour des européens éloignés de la réalité américaine. C’est aussi dans ces cas-là que sa musique est le plus aboutie et la plus passionnante.

Matthew plaira à tous les amateurs de rap bourré de synthés analogiques, aux nostalgiques de KRS-One, aux fans absolus du bonhomme. Pour les autres, on attendra la prochaine sortie de Black Elvis… Car malgré la monotonie de cet album, Kool Keith reste un des personnages les plus intéressants du rap actuel, seul bouffon capable d’assurer, de réfléchir et de faire rire en même temps…