En marge d’atmosphères clubbing aux stroboscopes anxiogènes, où l’on enchaîne actuellement plus que des bangers sous haute tension par set de deux heures, il est encore quelques ardents défenseurs du home-listening pour arrondir les beats et assouplir leurs mélodies. On adhère de suite au parti pris : sans plus de doute après le nombre de faciales subies au cours des derniers mois (Teenage Bad Girl, MSTRKRFT pour ne citer qu’eux), ces éjaculations bit-crushées sont devenues à l’electro-rock ce que le porno-gonzo est au cinéma. Violent, pauvre dans ses scénarii (un gimmick par trax), éreintant à spammer sa surproduction (sur MySpace, les blogs, etc), depuis ses orgasmes automatisés (retours de ligne de basse après saturation d’aigus) jusqu’à ces dj-sets alignant ruptures de tons sur découpages à l’arraché, sorte de montages dégueulasses sans progression logique, ni direction d’acteurs. Seules à avoir encore un peu d’intérêt, les grosses b***s de SebastiAn et Justice pour la performance sonique – mais passées trois minutes, on bande mou, un peu désespéré par ce qui défile à l’écran. On voudrait autre chose, et ces Kitsuné Maison Compilation 4 et Dj Kicks tombent bien.

Nouvelle soirée à la Maison Kitsuné donc, on en profite. On avait aimé les premières, rencontré plein de gens sympas (Tom Vek, Simian Mobile Disco, Au Revoir Simone) et repris rendez-vous. L’hôte Darkel, visage familier et vêtu de noir, s’y montre comme toujours agréable (Be my friend), ambiance nébuleuse pour introduire les The Whip en douceur. D’humeur volubile, ces derniers édifient leur mélodie sur un assemblage de vocaux découpés, assez curieux, assez prenant dans son groove ralenti, et ses wah-wah saturés en infra. Les parents Gildas Loaec et Masaya Kuroki auraient toutefois mieux fait d’envoyer les insolents Boys Noize au lit tant leur bruit s’accorde mal avec la grâce de leur petite sœur Feist (My Moon, my man) – mais c’est pas trop grave en fait, le charme de telles compilations affleurant de leur esprit fourre-tout hyperactif. Ils s’entendent même plutôt bien avec les chahuteurs Foals (Hummer), donc on les colle devant le dernier Street fighter™, espérant pouvoir les calmer. Râté. Surexcités à l’idée de pouvoir quitter la table, ceux-ci tapent des mains, crient « ouais ! » et enchaînent les Hadouken! en 8-bit plein volume dans leur chambre.

On ferme la porte, revient au salon, l’humeur est plus rock 80’s, The Passions font leurs Pixies pour la basse proéminente et répétitive, à la différence près qu’on peut danser dessus. La suite est moins kiffante, un remix pas génial du sur-entendu I get around des Dragonette (au même exercice, les absents Van She s’en étaient mieux tirés), une tech-house pompière façon Roman Salzger (Crossover appeal des Guns’n Bombs). On préfère s’inviter entre adultes, à danser sur quelques amours de jeunesse type Gang Of Four (Dance to our disco des Punks Jump Up) ou vieille production moroderienne (Knights, Crystal Castles) pour finalement s’asseoir en terrasse, fumer une cigarette avec le taciturne Whitey au dehors (Stay on the outside), qui nous interroge si on apprécie la soirée, le timbre enrhumé et rock’n’roll grave. On lui dit oui, qu’on sera là la prochaine fois, quoiqu’on aurait aimé quitter la routine casanière et découvrir quelques visages plus pop – ce pourquoi on aime Kitsuné – et on entend justement le sémillant Hit pop des Numéro#, sur lequel on repart remuer nos fesses, t-shirt mouillé sur la scène, trois paroles dans les mains, en choeur dans les yeux des femmes.

Découverts sur la première compilation Kitsuné Maison, les Hot Chip prennent le contrôle des platines le temps d’une séance coups de cœur et coups de tête. Vocodeur plaintif, Rhodes inconsolables, le quintet amorce son DJ Kicks sur les doux Nitemoves de Grovesnor. Alors, une envie de se blottir dans les bras d’une fille, qui nous rembarre légèrement snob, sur un hip-hop old school, bien aguicheur dans ses relents funk. « I got a man », nous répète t-elle, avant de s’agiter toute seule, s’époumonant en Don’t push me away, sur un tah-tah poum-tchak endiablé. On laisse un peu tomber, se pose pour contempler quelques lasers et boules à facettes tournant au ralenti (les hallucinées Persuasion & B1), avant de se confondre en petits mouvements de tête sur les grooves rigolos-tristes du brésilien Tom Zé (Cademar) et des Hot Chip eux-mêmes (l’inédit My piano), qui dans un fondu très musical, embrayent sur des synthés 80’s (Wax Stag, Bizarre love triangle des New Order).

La suite est parfois brouillonne, difficile à suivre, à l’image de leur précédent The Warning, quoique définitivement attachante, pour ses erreurs d’inattention, ses changements de direction surprenants, souvent stimulants où il s’agit moins pour eux d’en jeter plein la vue à grands renforts de techniques de mixages, que d’aligner pêle-mêle hip hop new school (l’allumé Jiggle it du protégé de Diplo, Young Leek), minimale allemande (Dominik Eulberg, Gabriel Ananda, Marek Bois) ou électronique rétro (Black Devil Disco Club, Grauzone) dans un grand désordre inachevé, coq-à-l’âne hyperémotif au naturel tapageur. Il est d’ailleurs 2h du matin passées. Les flics cognent à la porte, trop de bruit, la maison sens dessus dessous (Mess around, Ray Charles). On fait mine de baisser la sono, et présente des excuses polies, la tête retournée, déjà pleine de souvenirs à peine repris la voiture en silence.