Une chose est sûre, ce disque ne va pas vous réconcilier avec la musique contemporaine (mais le faut-il ?). Pour commencer en effet, il va vous falloir passer les trois premières minutes à écouter les hélices d’un hélicoptère se mettre en marche jusqu’à plein régime. Tout à coup, un accord de septième (la-sol) entre le violon et le violoncelle et vous voilà parti pour trente minutes de… de quoi au juste ? Pour quelques éclaircissements, il faut bien lire les explications du compositeur dans la pochette. Plusieurs étapes jalonnent son discours. En prologue, il nous raconte un rêve qu’il a fait. Non sans humour et provocation comme pour légitimer ce qui va suivre. On faisait un peu l’équivalent au XVIIIe pour écrire un roman. Pensez à Marivaux et à l’abbé Prévost. Bref, il a une idée : mettre chaque musicien d’un quatuor à cordes dans un hélicoptère accompagné d’un pilote. Après, il expose la technique de la prise de son et ce n’est pas une mince affaire : avec force termes techniques, il nous fait comprendre que c’est là le corps de sa musique. Tout est hyper maîtrisé. Mais on perçoit aussi l’éternel besoin qu’a le compositeur de repenser la forme musicale, l’espace à lui donner pour s’exprimer. Car cette musique se répand.

Voici le dispositif majeur à tout ça : le déroulement du concert. Car cette œuvre est en prise avec le direct. Outre les recommandations très précises de Stockhausen d’organisation de l’espace, de contrôle d’altitude des hélicos, il y a une diffusion sur écrans qui accompagne l’interprétation. Les quatre techniciens du son sont finalement les maîtres d’œuvre. En ouverture à la représentation (car il s’agit vraiment de cela), un animateur (Stockhausen en réalité) explique, met en scène la musique. Et pendant une demi-heure, le public peut admirer le ballet des hélicos dans le ciel ou bien sur les images des écrans répartis aux quatre coins du terrain (l’équivalent de la scène) défini préalablement. Cela se passe donc autant sur terre que dans les airs. On pourrait se lancer dans des explications très scientifiques et philosophiques de cette œuvre. Nous préférons y voir une grande fresque musicale aussi grotesque et absurde.

Plutôt que d’aborder cette musique par la face nord, empruntons la face sud et payons-nous une bonne tranche de rigolade. Si en effet Stockhausen prend la pose, c’est bien au second degré qu’il faut prendre les « eins, zwei, drei, vier, fünf, sechs, sieben… » qui ponctuent la musique de façon déclamatoire et jubilatoire. En définitive, on tient ici le disque parfait pour se défouler après une journée à avoir écouté en boucle des petits maîtres classiques…