Le titre de ce premier album en solo de Jon Balke provient de l’habitude qu’il a prise de prendre des photos tout en conduisant (sans regarder le viseur, qu’on se rassure) : « Au fur et à mesure, j’ai mieux compris le processus qui transforme les lumières en lignes graphiques. C’est ainsi qu’est née une série d’images basées sur l’idée de vitesse ». La pochette de Book of velicities est bien sûr issue de cette série de photos, et son contenu s’en veut pour ainsi dire l’homologue musical, soit un recueil d’images sonores agencées en quatre chapitres et un épilogue avec pour principe « philosophique » la vitesse, celle de la frappe sur les touches (dont découle la sonorité, le timbre : « Si les touches étaient frappées à l’aide d’un bâton, se demande Balke, mais avec la même vélocité, le résultat serait-il différent ? »), mais aussi, bien sûr, celle de la musique, son développement, son rapport au temps et à l’espace. Autant le dire tout de suite : il y a de l’austérité dans le résultat atteint par Balke, succession de vignettes abstraites et brutes (le piano est livré tel quel, sans aucun traitement) construites selon des processus dont il parle à l’aide de métaphores visuelles (« Les morceaux sont pour la plupart basés sur des idées graphiques – une ligne simple ou double – et empruntent des éléments de composition venant d’autres univers musicaux »). A la croisée du jazz libre et de la musique expérimentale, voire de la musique concrète, Book of velocities joue sur le silence et l’espace et explore tous les sons que peut produire un piano acoustique, à travers toutes les techniques de jeu possibles, entre écriture et improvisation. On pense beaucoup à John Cage, et l’on ne peut que conseiller à l’auditeur curieux de faire l’expérience de cet album hypnotique et intrigant sur un matériel hifi de bonne qualité (pour profiter pleinement de toutes les nuances de son produites par Balke), dans une humeur si possible portée sur la méditation et, en dépit du titre, sur la lenteur.